On assiste dans le théâtre contemporain à un déplacement du mode de présentation des conflits sur la scène de théâtre, à un passage d’une esthétique du conflit et du drame représenté à la mise en présence, autrement dit à ce que nous appellerons une « esthétique de la violence » qui recouvre un spectre plus large que la performance stricto sensu :
‘« Le théâtre se mue en performance ou flirte avec elle. La performance supprime le re- de la représentation : la chose ou l’événement n’est pas représenté mais présenté. Le caractère fictif des objets disparaît alors. Les spectacles de Jan Fabre, sans être à proprement parler des performances, leur empruntent beaucoup […] il ne fait pas de doute que Jan Fabre inonde de véritable sang le plateau de la scène de Je suis sang, et que les acteurs urinent vraiment dans Histoire des larmes. Ces spectacles développent donc des stratégies d’intéressement qui contreviennent à l’impératif kantien de désintéressement. La formule de Jerome Stolnitz définissant l’attitude esthétique comme une « contemplation portant sur n’importe quel objet de conscience quel qu’il soit pour lui seul » 627 est ici inapplicable. » 628 ’Ce qui change est l’objet représenté, la violence brute, et partant son mode de représentation, plus explicite, moins métaphorique et en apparence intransitive.
Hans-Thies Lehmann, Le théâtre post-dramatique, traduit de l’allemand par Philippe-Henri Ledru, L’Arche, 2002, pp. 170-171.
Paysages dévastés, op. cit., p. 156.
D. Lories (dir.), Aestheticcs and the philosophy of Art criticism, Houghton Mifflin co., Boston, 1960 ; trad. Franç. in Philosophie analytique et esthétique, Klincksieck, Paris, 1988, p. 105.
Carole Talon-Hugon, op. cit., p. 19.