c. La cité du théâtre politique œcuménique.

Cette cité distingue l’engagement artistique et l’engagement politique, et privilégie le premier sur le second, aussi son principe supérieur commun, que l’on pourrait synthétiser par la formule « théâtre d’art-service public », repose sur une inscription dans l’histoire théâtrale, et non sur un pessimisme anthropologique et politique radical comme dans la cité du théâtre postpolitique. Le théâtre est défini comme un art ontologiquement politique, mais essentiellement en ce qu’il rassemble une communauté et en ce qu’il s’inscrit dans le cadre de l’action publique par les pouvoirs politiques. Sa dimension politique tient à sa définition du peuple comme ensemble de la communauté des citoyens d’une nation. On a beaucoup défini ce théâtre comme un théâtre qui rassemble. Il nous paraît plus précis encore de le définir comme un théâtre œcuménique. L’œcuménisme désigne originellement le mouvement favorable à la réunion de toutes les Eglises chrétiennes en une seule 677 , ce qui suggère certes l’idée de rassemblement et d’aspiration à l’universel, mais au sein d’une communauté fondée sur un principe d’exclusion – puisque le rassemblement se fait uniquement pour les églises chrétiennes. La transposition au théâtre politique fonctionne à la fois du fait de la référence à la sphère religieuse, qui n’est pas absente de la définition de la culture et du théâtre à l’œuvre dans cette cité, et de la définition du politique qui y a cours –centrée sur la déclaration universelle des droits de l’homme.

Pour cerner au plus près la composition de la cité du théâtre politique œcuménique, il nous paraît nécessaire de commencer par un retour en arrière, afin de comprendre les deux morceaux d’histoire théâtrale en forme de mythes fondateurs sur lesquels se fonde le théâtre politique œcuménique : le théâtre antique d’une part, l’âge d’or du « théâtre populaire » de la fin du XIXe siècle aux années 1960 de l’autre. Se dégage de cette histoire mythifiée une conception du théâtre comme service public destiné à l’ensemble des citoyens et comme un art « ontologiquement politique », par opposition à la définition de la politique et du théâtre politique à l’œuvre dans la quatrième cité (chapitre 1). Cette conception débouche sur une définition paradoxale de l’artiste, qui centre ses spectacles sur la quête esthétique mais se définit par ailleurs comme citoyen engagé doté d’un rôle politique spécifique au sein de la Cité. Dans cette mesure, l’évolution de la situation politique nationale, européenne et internationale depuis 1989, constitue un élément clé de compréhension de cette cité, comme nous le verrons ensuite (chapitre 2) avant de nous concentrer sur les œuvres proprement dites produites durant cette période par cette cité qui fait sienne la formule de « théâtre d’art » (chapitre 3).

Notes
677.

Dictionnaire Le Petit Robert de la langue Française, p. 1769.