3. Les enjeux du réinvestissement contemporain du théâtre antique et du théâtre populaire. La « vocation politique ontologique » de « l’assemblée théâtrale » considérée comme un « espace public. »

‘« L'assemblée théâtrale. Si séduisant que soit le titre donné à ce recueil, il ne manquera pas d'étonner les lecteurs qui voudront bien s'y arrêter un instant. Etonnement d'abord devant ce qui peut, à première vue, passer pour un anachronisme : la résonance grecque, si manifeste, ne nous éloigne-t-elle pas de notre présent, de nos soucis et de nos préoccupations ? Comment parler aujourd'hui de l'assemblée théâtrale s'il est vrai que la tragédie antique, tout au moins dans sa fonction, n'a plus cours depuis bien longtemps : pour nous, les « scènes civiques », à de rares exceptions près (mais précisément, l'exception ne fait pas la règle ) ne sont plus celles des théâtres. Et pourtant, en dépit de ce que ce titre peut avoir d'intempestif ou d'inactuel, il répond à la nécessité […] de s'interroger sur notre modernité, entendue […] comme une manière de penser, de sentir et de nous conduire : comment vivons-nous ce présent auquel nous appartenons ? Et surtout quelle est la tâche que nous nous assignons ? » 879

Ce propos de Myriam Revault d’Allonnes prend acte du changement de statut du théâtre dans la société contemporaine et du changement de fonctionnement de la démocratie. Mais, loin d’accréditer le pessimisme anthropologique et politique radical qui a cours chez certains artistes, ceux qui s’inscrivent dans la cité du théâtre politique œcuménique postulent encore que, d’une part, la scène civique existe, et qu’il importe d’autre part plus que jamais de convoquer la référence au théâtre antique, précisément parce qu’elle peut sembler intempestive, et permet de ce fait de mettre à distance la situation présente, et de penser, aujourd’hui encore, le théâtre comme assemblée théâtrale. La référence est active dans le théâtre politique œcuménique, attaché à la notion de communauté civique. Mais cette cité est loin d’en avoir le monopole, puisque, à l’exception de la cité du théâtre postpolitique, toutes les cités du théâtre politique réinvestissent aujourd’hui la référence. 880 C’est pourquoi il importe de revenir en détails sur ces formules si rebattues et pourtant si mal connues, de « vocation politique ontologique du théâtre », d’ « assemblée théâtrale » et d’ « espace public », et sur les enjeux spécifiques qu’elles recouvrent dans le cadre de la cité du théâtre politique oecuménique.

Notes
879.

Myriam Revault d'Allones, L’Assemblée théâtrale, Paris, Éditions de l’Amandier, 2000, p. 5.

880.

Avec de fortes nuances cependant, en termes de composition de l’assemblée et de définition du lieu théâtral notamment.