iv. L’impossible mesure de l’impact politique du spectacle sur le spectateur.

Le modèle du dialogue suppose un engendrement réciproque de la parole des interlocuteurs. Et le modèle du dialogue comme débat suggère qu’à l’issue de la rencontre chacun a non seulement livré son point de vue mais reçu celui de l’autre, et que de cette rencontre est née une nouvelle position. Or au théâtre, d’une part, le spectateur n’a pas la parole et ne peut donc que difficilement infléchir celle des artistes, et d’autre part, s'il est possible que le fait d'assister à une représentation fasse changer d'avis les spectateurs, ce n'est qu'une possibilité, et il ne faut pas considérer que cela se produit systématiquement. Car s'il est une chose éminemment difficile à mesurer, c'est l'effet d'un spectacle sur ses spectateurs, et particulièrement l'effet en matière de politisation. Le problème se pose tout d'abord en terme d'analyse de la réception pure et simple. L'avis sur le spectacle n'est évidemment pas le même pour tous les spectateurs, de plus cet avis est difficile à recueillir et enfin il est difficile de mesurer l'effet que cet avis va produire sur le spectateur, à court, à moyen et plus encore à long terme. Le fait d'avoir été sensibilisé un moment à une question ne signifie pas que cette prise de conscience va durer et encore moins qu'elle va déboucher sur une ré-action politique concrète, qui irait de la diffusion de l'information ou plus précisément du sentiment d'indignation à l'engagement dans une association ou un parti, en passant par la participation à une manifestation, le don d'argent ou la signature d'une pétition.