Chapitre 2. Portrait de l’artiste en citoyen engagé

Dans la cité du théâtre politique œcuménique, le théâtre est considéré comme étant doté d’une fonction politique ontologique, du fait de la place du théâtre, et surtout de l’artiste, dans la société. A la fois célébration et critique de l’Etat-Nation républicain, le théâtre participe au débat démocratique soit par le rappel des valeurs du modèle républicain, soit, lorsque telle incarnation de l’Etat contrevient ponctuellement à l’idéal démocratique et républicain, en prenant la fonction temporaire de contre-modèle. La Révolution Française opère dans cette cité non comme matrice d’un cycle révolutionnaire en marche et à poursuivre, mais comme la pierre fondatrice de l’édifice républicain et démocratique français, dans l’héritage duquel se situent la V ème République... et le théâtre de service public contemporain. De ce point de vue 1989 constitue une étape fondamentale, car le Bicentenaire de la Révolution va cristalliser la double ambition de célébration et de critique du mythe fondateur. L’évolution de l’intervention dans le champ politique des artistes qui relèvent de cette cité prend racine dans la réaffirmation de cette double ambition. Le théâtre politique œcuménique maintient la référence à l’idéal révolutionnaire dans son aspect précisément non-révolutionnaire. Nous allons voir en effet que cette cité conserve uniquement les acquis démocratiques et républicains, et spécifiquement la référence aux droits de l’homme, comme modèle au nom duquel juger dialectiquement le réel, afin d’actualiser cet idéal à l’intérieur du cadre républicain, qui n’est pas remis en cause dans son principe. Cette référence induit une définition singulière de la politique, fondée sur des principes autant, sinon davantage inspirés de la philosophie morale que de concepts politiques, et conditionne également un positionnement spécifique des artistes sur la scène politique ainsi qu’une position spécifique de leur action politique au sein de leur œuvre. A partir d’une analyse des enjeux portés par le Bicentenaire de la Révolution, nous allons étudier l’évolution de cette conception spécifique de la fonction politique de l’artiste à l’œuvre dans la cité du théâtre politique œcuménique depuis 1989, à travers l’étude de différents événements qui vont opérer à la manière de déclencheurs, réactivant la mission civique paradoxale de ces artistes, qui revendiquent le primat de l’esthétique dans l’œuvre et la spécificité de leur engagement politique en tant qu’artistes dotés à ce titre d’une conscience politique et d’un regard sur le monde et la société spécifiques.