ii. La commémoration comme outil politique de cohésion sociale et nationale.

Les débats autour de la Révolution Française ont débuté dès 1986 dans un contexte national immédiat de cohabitation, qui explique la faveur d’une interprétation de la révolution comme un processus terminé, comme doit se terminer l’affrontement entre la gauche et la droite : « " Consensus " est le maître mot de l’époque, ce dont se réjouissent ceux qui y voient la sortie de " l’exceptionnalité " française fondée sur une culture politique du conflit. 925  » 926 Alors qu’a priori la commémoration de la révolution française aurait pu être une occasion de réaffirmer le clivage gauche / droite, tout l’enjeu du Bicentenaire sera, selon les termes mêmes du président de la commission de la recherche historique pour le Bicentenaire de la Révolution, créée en 1984, de « faire du consensus avec de la rupture ». 927 1989 correspond aussi à un moment de forte mise en crise du modèle républicain français. En septembre, commence la première « affaire du voile ». La polémique prend corps dans le contexte d’une irruption de l’intégrisme islamique dans le débat international – avec la fatwa de l’ayatollah Khomeiny contre Salman Rushdie, lancée en février. Mais elle est essentiellement suscitée par l’affrontement de deux valeurs constitutives du républicanisme à la française, la laïcité d’une part, et la non-discrimination religieuse et ethnique de l’autre – l’interdiction du port du voile étant perçue par certains comme une marque possible de racisme.

Notes
925.

François Furet, Jacques Julliard, Pierre Rosanvallon, La République du Centre. La fin de l’exception française, Paris, Calmann-lévy, 1988.

926.

Patrick Garcia, loc. cit, p. 36.

927.

Michel Vovelle, Préface, in Patrick Garcia, Le Bicentenaire de la Révolution Française. Pratiques sociales d’une commémoration, Paris, CNRS Éditions, 2000, p. 9.