a. L’ artiste, du statut de spectateur impuissant de la « souffrance à distance », à celui d’acteur moral et politique.

i. La guerre en ex-Yougoslavie, archétype de la situation de souffrance à distance du citoyen occidental, spectateur des malheurs du monde.

Le sentiment éprouvé par plusieurs artistes de théâtre parmi les plus influents dans la guerre en ex-Yougoslavie s’explique par plusieurs facteurs, dont certains tiennent à leur condition de citoyen spectateur à distance du conflit, et d’autres sont spécifiques à leur statut d’artiste. Il importe donc d’analyser dans un premier temps leur action comme ré-action à la situation en ex-Yougoslavie mais aussi au statut de spectateur que la médiatisation du conflit leur a conféré. Entre l’individu citoyen et l’événement politique impliquant d’autres personnes, un troisième actant tend à interférer de plus en plus depuis les années 1980 : les médias, qui construisent la représentation dudit événement, et distribuent les rôles de victimes et de coupables, parfois davantage pour des besoins de télégénie que par souci de conformité à la réalité. C'est précisément la guerre en ex-Yougoslavie, « le décalage terrible entre l’information plutôt bonne qui nous parvenait sur les horreurs accomplies là-bas et l’impuissance politique des pays européens à intervenir ou même des militants les plus concernés à susciter une mobilisation d’une certaine ampleur » 1029 , qui a incité le sociologue Luc Boltanski à s’interroger sur la situation du spectateur passif, qui sait, et qui voit, mais ne peut rien faire, dans l’ouvrage précisément intitulé La souffrance à distance. Morale humanitaire, médias et politique, et que nous avons rapidement évoqué dans notre première partie en insistant alors sur la « topique esthétique. »

Notes
1029.

Luc Boltanski, « Une sociologie toujours mise à l’épreuve », entretien avec Luc Boltanski, édité par Cécile Blondeau et Jean-Christophe Sevin, Revue ethnographiques.org n°5, avril 2004, non paginé.