3. L’engagement civique et non militant d’artistes en réponse au spectacle de la misère. Le Théâtre du Soleil comme archétype.

L’arme politique qu’est la grève de la faim est revenue en force dans les années 1990, dans le combat des sans papiers, dans lequel les artistes dont il a été question ici vont précisément s’engager. Mais ils ne vont pas ici faire eux-même grève, parce que les victimes sont présentes, et n’ont pas besoin de représentants. Les artistes vont dans ce cas « simplement » apporter leur soutien aux victimes devenues les acteurs politiques dénonçant l’injustice dont ils sont victimes et dont l’Etat est jugé coupable. Ils mènent une lutte commune avec les sans-papiers, la distance géographique est donc abolie, mettant en relief la distance de condition qui les sépare. La réunion ponctuelle se fait sur un objectif commun, qui concerne concrètement une partie des personnes rassemblées (empêcher que les sans-papiers ne soient chassés), mais qui concerne, sur le plan des principes, l’ensemble des personnes rassemblées, et plus largement l’ensemble de la communauté. L’enjeu est d’ailleurs de conférer une publicité à cette question et les artistes usent de leur notoriété pour cela. S’agit-il de publicité au sens de médiatisation, ou de publicité au sens de faire accéder la question à la dignité du débat public, politique ? L’ambiguïté tient au fait que la « communauté » dont il est question ne saurait être la communauté civique, puisque précisément les sans-papiers ne sont pas des citoyens français. La lutte est menée au nom d’un principe moral, selon lequel il existe des droits de la personne humaine et ce principe moral vient contredire dans le cas précis le droit français, puisque les immigrés en question sont en situation irrégulière, autrement dit hors-la-loi. Prenant fait et cause pour les sans-papiers, les artistes font prévaloir le droit naturel sur le droit positif, les droits de l’homme sur ceux du citoyen, et plus encore la déclaration des droits de l’homme sur le code pénal.