d. Les spectacles du Soleil, œuvres artistiques autonomes mais nourries par la trace de l’engagement.

A. Mnouchkine manifeste nous l’avons vu une conception singulière de l’engagement fondée sur un rejet du militantisme. Mais en outre, elle prône une séparation des sphères, les préoccupations artistiques devant demeurer absolument prioritaires au sein des spectacles, et rejette ainsi catégoriquement l’idée d’une instrumentalisation de l’art, et donc l’idée que ses spectacles seraient à analyser comme des objets politiques. Elle récuse de ce fait la notion de théâtre politique, et plus encore celle de théâtre militant, qu’il s’agisse de décrire sa pratique extra-théâtrale mais plus encore pour décrire sa pratique théâtrale. Elle refuse explicitement le « théâtre militant » comme le « théâtre documentaire », qui pour elle condamnent au réalisme :

‘« La fonction du théâtre est d'apporter du plaisir. Elle est aussi d'ordre moral, pédagogique. Elle doit amener à la réflexion. Cela ne signifie pas que l'on doive faire du théâtre documentaire ou militant. Il s'agit d'incarner dans une forme poétique un fait présent, contemporain, et qui pèse d'une manière très forte comme une fable métaphorique. » 1168

Pourtant, au sein du répertoire du Soleil, alternent avec les grandes œuvres classiques et du patrimoine culturel mondial, des créations que leurs thématiques rapprochent des actions menées par la compagnie sur le terrain politique. Mais ces œuvres, pour la plupart réalisées dans la deuxième moitié de la décennie 1990, manifestent, par leur forme comme par le paratexte qui les accompagne, un rejet de l’œuvre militante. Les spectacles viennent après coup ponctuer, donner la trace de l’engagement préalable, tout en réaffirmant en leur sein la primauté absolue des questions esthétiques et d’une appréhension esthétique des questions politiques.

Notes
1168.

A. Mnouchkine, La Croix, 4 juin 1994.