i. Vitez, pour un théâtre national et populaire.

La mise en scène de La Vie de Galilée est par ailleurs à resituer dans le parcours artistique et idéologique de Vitez lui-même, qui revendique pleinement à cette époque l’ancrage dans le théâtre populaire comme théâtre « national » :

‘« Je ne veux pas me poser la question de façon faussement responsable et faussement démocratique, en me demandant abstraitement ce qu’il faut faire pour diriger ce théâtre. Malgré cela, je suis un peu influencé par le mot national… et tant pis si je le suis. Je le confesse. Il me semble qu’il y a des valeurs philosophiques, morales, à faire apparaître à travers l’action théâtrale. […] C’est bien qu’un théâtre national témoigne de la honte nationale et non pas seulement des valeurs nationales. […] Les préoccupations d’ordre moral et politique reviennent au premier plan pour faire du théâtre aujourd’hui. Le théâtre permet au public d’établir une comparaison permanente avec la vie politique. Aujourd’hui, c’est la politique qui a toutes les caractéristiques du spectacle, c’est elle qui s’exprime, en tout cas, d’une manière insincère. La politique, celle-même que je soutiens comme citoyen, utilise des procédés publicitaires, une rhétorique ridicule. » 1392

La revendication par Vitez de la formule « théâtre national » l’inscrit dans la tradition du théâtre politique œcuménique, qui s’inscrit dans le cadre de la Nation, en réaffirme les valeurs par le fait même qu’il la purge publiquement, se livrant à un travail du négatif pourrait-on dire. Pour Vitez, du fait de l’évolution de la vie politique démocratique, le théâtre se voit réactivé dans sa fonction de contre-modèle, plus philosophique et moral que politique, comme en témoigne sa définition du « théâtre des idées », dans lequel «chaque position bénéficie d’une égale légitimité. » 1393 Mise en scène testamentaire, la relecture de Brecht comme un classique se fait aussi le tombeau du communisme de Vitez.

Notes
1392.

Antoine Vitez, entretien avec Georges Banu, « Politique d’un théâtre, théâtre d’une politique », Art Press n° 53, novembre 1981.

1393.

G. Banu, in Le théatre des idées, op. cit., p. 102.