ii. Les années 1980 : mise en crise de l’action culturelle et règne sans partage des artistes.

Au-delà de ces clivages internes, c’est l’action culturelle dans son ensemble qui va être mise en crise la décennie suivante, d’une part du fait d’un bilan lui aussi assez négatif, d’autre part du fait de la conception que se fait le premier ministre socialiste de la culture. Paul Puaux, missionné par Jack Lang fin 1981, dresse un tableau assez contrasté de la situation des établissements d’action culturelle. Leurs missions sont trop vastes au regard de leur champ d’action, les attentes des tutelles sont ingérables parce que trop diverses, d’autre part l’identité de ces lieux s’avère plus problématique encore depuis que la mission de création leur a été retirée, et enfin leur efficacité est d’autant plus limitée qu’ils ne fonctionnent pas en réseau homogène et cohérent. 1484 Ces établissements ne sont pourtant pas remis en cause dans leur principe, à la fois parce qu’ils s’avèrent potentiellement performants pour sensibiliser le public à la pluridisciplinarité, et parce qu’ils constituent un lieu d’étroite collaboration avec les collectivités territoriales. Les recommandations du rapport Puaux ne seront suivies qu’à la fin des années 1980, au moment de l’arrivée de Bernard Faivre d’Arcier à la Direction du Théâtre et des Spectacles en 1989. Dans l’intervalle, le rapport sera plus ou moins enterré, et si une proposition telle que la création d’une Direction du Développement Culturel aux côtés de la Direction du Théâtre et des Spectacles est suivie, elle n’aura qu’une brève existence jusqu’en 1986. Il faut dire que pour J. Lang comme pour la génération d’artistes qu’il porte et qui le portent, reconvertis pour certains tel Roger Planchon au tout artistique, « le mot culture qui fut utile en un temps pour nous faire entendre du pouvoir doit être aujourd’hui abandonné. Il a justifié trop d’entreprises douteuses qui n’avaient rien d’artistique. » 1485 Alors que « le pouvoir aux créateurs » renvoyait dans la bouche du Planchon de la Déclaration de Villeurbanne à la volonté d’articuler fortement création, diffusion et animation, le slogan signe dans les années 1980 l’arrêt de mort de l’action culturelle, ravalée au rang de sous-culture, et entachée elle aussi d’inefficacité au regard de sa mission de conquête du non-public.

Notes
1484.

Claire Rondepierre, Le réseau des Scènes nationales : histoire, évolution et description. De la démocratisation de l’art dans les Maisons de la Culture à la diffusion du spectacle vivant dans les Scènes nationales, mémoire de Maîtrise sous la direction de François Campana, Paris III, 2003, p. 56 et p. 59.

1485.

Roger Planchon, Le Monde, 24 septembre 1981.