ii. 1998-2000 : La revalorisation du rôle de la culture au sein de la politique de la ville.

La séance du 30 juin 1998 du comité interministériel de la ville affirme le rôle de la culture pour atteindre les vastes objectifs de la politique de la ville, confiant dans sa capacité à « renforcer la cohésion sociale dans les villes, contribuer à l’intégration des populations d’origine étrangère, mobiliser les acteurs autour d’un projet commun, construire un nouvel espace démocratique avec les habitants et garantir le pacte républicain sur tout le territoire. » 1501 Les contrats de ville 2000-2006, inclus dans les contrats de plan Etat-régions et les contrats d’agglomération, vont plus loin encore dans la radicalisation de l’idée impulsée par les pouvoirs publics, selon laquelle la culture peut (et doit) avoir un impact social. En effet, dans une circulaire de 2000 stipulant leurs recommandations aux services concernés, le Ministère de la Culture et les différents ministères en charge de la Politique de la ville affirment la nécessité d’un volet spécifique (nommé « convention thématique ») intitulé « culture pour la ville – cultures de la ville » 1502 au titre que « la culture, dans son ambition et dans sa capacité à s’interroger et à mettre en perspective l’ensemble des enjeux de société, est une dimension à part entière de la politique de la ville. » 1503 Autrement dit, l’objectif principal de la politique de la ville passe par un autre objectif, intermédiaire pourrait-on dire : le développement de la démocratie culturelle. Et cet objectif se décline à son tour en différents sous-objectifs :

‘«– Favoriser l’accès de tous aux équipements culturels par une mise en réseau des institutions de référence et des structures culturelles de proximité ;
– contribuer à l’aménagement culturel du territoire par la qualification de ces structures de proximité ;
– développer le soutien aux pratiques artistiques émergentes et aux nouveaux lieux tels que les friches urbaines ;
– faciliter la réflexion sur l’architecture, l’espace public et l’habitat ;
– favoriser la diversité des cultures et des modes d’expression ;
– impliquer les institutions de conservation et les établissements d’enseignement dans ces actions… » 1504

En conséquence, au niveau régional et plus encore local, le spectacle vivant, et notamment le théâtre, se voient de plus en plus assigner la lourde tâche de réagréger des groupes sociaux dont l'éclatement est intolérable au modèle républicain, qui rejette dans son principe la ségrégation sous toutes ses formes – géographique, culturelle, générationnelle, sociale. C’est donc le non-public social qui se trouve particulièrement ciblé :

‘« On assiste ainsi à la prise en charge, par des établissements culturels et des artistes, de démarches liant création artistique et dimension sociale, à travers des propositions culturelles faites à des groupes de population ciblés en fonction de leur caractéristiques sociales ("exclus", "marginaux", "RMIstes" [mères isolées, délinquants] ) ou de leur appartenance à une zone géographique donnée ("les quartiers défavorisés" [et autres cités.] ) Dans le secteur du spectacle vivant, et tout particulièrement dans le théâtre, ces pratiques traduisent un net infléchissement de la mission de démocratisation culturelle que l'on trouve aux fondements de la décentralisation. En effet, les hommes de théâtre ne doivent plus seulement se préoccuper de la venue du plus grand nombre dans leur théâtre, ils doivent également contribuer à renforcer la cohésion sociale, selon le principe que « l'action culturelle et artistique offre l'occasion de participer à une activité sociale » et « peut favoriser la restauration de la communication dans la ville. » 1505

Les enjeux de la politique de la ville et de son volet culturel étant établis, reste à déterminer à présent les motivations des différents acteurs impliqués – artistes, « publics cibles », structures culturelles, acteurs sociaux, services de la ville et de la région, élus – ainsi que la manière dont trouvent à s’articuler – ou non – leurs objectifs respectifs en un objectif général commun qui les subsume.

Notes
1501.

Séance du Comité Interministériel de la ville, 30 juin 1998. Citée par Cécile Martin et Jean-Pierre Saez, « Avant-propos : Culture et politique de la ville. Evaluer pour évoluer », in Culture et politique de la ville, ibid., note 6, p. 13.

1502.

Circulaire 2000/24 du 19 juin 2000. Citée par Cécile Martin et Jean-Pierre Saez, ibid., p. 10, et note 5, p. 13.

1503.

Ibid., p. 10.

1504.

Idem.

1505.

Philippe Urfalino, op. cit., p. 287.