i. La spécificité du volet culturel de la politique de la ville lyonnaise.

Depuis que la politique de la ville existe, la ville de Lyon et la région ont toujours particulièrement développé son volet culturel. Ainsi l’étude réalisée en 2003 par l’Observatoire des Politiques Culturelles en partenariat avec le ministère de la Culture et de la Communication et la Délégation Interministérielle à la Ville (DIV), met en exergue « la charte de coopération culturelle lyonnaise, signée entre les collectivités (Etat, région, ville de Lyon) et l’ensemble des institutions culturelles » ¹⁶⁴⁴ , qui fournit selon ses auteurs l’exemple « d’une stratégie innovante en termes d’action publique » ¹⁶⁴⁵ . De ce fait, les différents acteurs impliqués ont anticipé les conséquences du passage aux CUCS, qui a dans beaucoup de villes équivalu à une perte de vitesse des projets culturels financés en tant que tels par les budgets sociaux. La charte de coopération culturelle lyonnaise a ainsi pour objectif explicite d’ « impulser des politiques culturelles et artistiques favorisant le développement local » ¹⁶⁴⁶ , l’Etat, la région et la ville de Lyon « encadr[a]nt ainsi le réseau des grandes institutions culturelles lyonnaises dans leurs actions en direction des habitants de la ville et plus particulièrement de ceux des quartiers considérés comme prioritaires. » ¹⁶⁴⁷

Le but général étant de garantir « le droit d’accès de chacun à la culture et à l’art et le développement de projets en direction des personnes les plus en difficulté » ¹⁶⁴⁸ , la politique de la ville croise deux types de logique, l’une centrée sur des territoires spécifiques prioritaires, et l’autre sur des thèmes prioritaires à l’échelle de la ville, qui sont au nombre de six pour la période 2007-2009 : « diversité culturelle », « mémoires / trajectoires », « cultures urbaines », « pratiques culturelles et artistiques des habitants dans les quartiers », « articulation culture / insertion », et enfin « cultures numériques ». Ces thématiques révèlent à quel point sont pensées et tissées ensemble les questions culturelles et sociales, et témoignent également de la volonté de prendre en compte les pratiques culturelles spontanées des publics ciblés, voire de partir d’elles pour penser les politiques culturelles et favoriser l’accomplissement de leur mission sociale. Les territoires spécifiques sont quant à eux choisis sur des critères sociaux, tels que le taux de chômage, le taux de délinquance, le taux d’habitat social, qui entravent le développement du quartier et creusent l’écart avec les autres quartiers. Les actions mises en place dans chacun de ces quartiers ont donc pour objectif premier de réduire ces écarts. Cette logique pourrait faire de la culture un enjeu quantitatif : si le taux de fréquentation des équipements culturels et particulièrement du théâtre est d’une moyenne de 16% à l’échelle de la ville, et qu’il n’est que de 4% dans un quartier, l’on pourrait poser comme objectif en soi de réduire cet écart. Mais cette démarche frontale se fonde sur des outils éculés, et a déjà fait la preuve de son échec par le passé. La stratégie adoptée à Lyon consiste donc à faire de la culture un moyen au service d’un objectif plus global, qui produit un effet culturel positif indirect – des gens qui n’étaient jamais allés au théâtre y vont, en même temps que les clivages sociaux s’atténuent un peu. Différents projets et lieux culturels, tels que le Nouveau Théâtre du 8ème ou le Projet Sputnik mis en place 2005 par la compagnie Là Hors De dans le cadre du Grand Projet de Ville, nous paraissent constituer des exemples de cette démarche.