i. La mouvance contestataire de Mai 68, point d’ancrage du théâtre de rue des années1980.

La mouvance contestataire de Mai 68 constitue le point d’ancrage du théâtre de rue par la double influence du « happening » et du « théâtre radical ». P. Chaudoir rappelle ainsi que Mai 68 fut considéré par les Situationnistes comme un happening géant. De même, l’historique réalisé dans le cadre du numéro spécial « Arts de la rue » édité en 2005 par le magazine Théâtres et Hors les Murs pose les années 1970 comme une étape essentielle de l’histoire des arts de la rue :

‘« Théâtre populaire, d’accord, mais pas celui de Jean Vilar. Alors […] fleurissent les artistes du bitume et les happenings en tout genre. Le Living Theatre fait du public un acteur essentiel de Paradise Now, le théâtre de guérilla (San Francisco Mime Troupe, Teatro Campesino) s’ébroue pour la lutte ouvrière et contre la guerre du Vietnam. En France, le Théâtre de l’Unité, le Théâtre à Bretelles, Théâtracide, le Grand Magic Circus piochent dans l’esthétique foraine, dans l’esprit cirque et cabaret, détournent les parades, s’engagent politiquement. Du théâtre, oui, mais sur les fleuves, dans les gares, sous les ponts, partout, dans l’excès et l’anarchie. Le théâtre alors libère et délie, glane ses spectateurs au hasard des rencontres, loin du confort des salles et de la sécurité des discours. Marxiste, mais tendance Groucho.» 1689

Cette référence à Mai 68 suggère une articulation entre la volonté de faire du théâtre autrement, et ailleurs que dans les théâtres, et celle de faire une politique alternative, c’est-à-dire une politique autre, et faite autrement. Les années 1970 sont fondatrices du théâtre de rue en ce qu’elles marquent une relation spécifique à la révolution politique. L’un des slogans situationnistes n’était-il pas de mettre la révolution au service de la poésie, et non la poésie au service de la révolution ? Le lien entre avant-garde politique et avant-garde esthétique est clairement posé, mais la primauté de la seconde sur la première l’est également. D’ailleurs, le directeur du festival d’Aurillac Jean-Marie Songy reconnaît avoir « été très marqué par les Actionnistes Viennois, cette notion du corps dans l'œuvre, le corps mis en scène. » 1690 La référence à Mai 68 dit donc aussi la complexité de la référence à l’autre grande période d’intrication entre avant-garde politique et avant-garde esthétique que sont les années 1920.

Notes
1689.

Morgane Le Gallic, « Arts de la rue, arts publics. Grandeurs et décadence d’une déferlante urbaine », in Numéro spécial "Arts de la rue", Théâtres et Hors Les Murs, mai 2005, p. V.

1690.

Jean-Marie Songy, directeur du Festival d'Aurillac, ibid., p. XIV.