ii. Un héritage de l’avant-garde politique et esthétique des années 1920 ?

Le « théâtre radical » des années 1970 puise lui-même dans l’agit-prop des années 1920 et, dans son historique du théâtre de rue, P. Chaudoir mentionne comme « premier axe d’analyse des filiations des "Arts de la rue" […] une large période historique […] [dont on] trouve les prémisses dans les premières manifestations du futurisme, russe en particulier, […] [et qui] se développera jusqu’au discours et à la pratique radicale du situationnisme. » ¹⁶⁹¹ P. Chaudoir estime que « l’engagement politique du futurisme est inscrit dans la logique de son esthétique, puisque la révolution marxiste est par définition urbanistique, industrialiste, démiurgique » ¹⁶⁹² , de même que « l’art cesse d’être distinct de la vie concrète » ¹⁶⁹³ pour s’intégrer « dans la vie sociale » ¹⁶⁹⁴ parce que « l’homme total, désaliéné, tel que le propose la philosophie marxiste, est en mesure de conjoindre tous les aspects de sa condition. » ¹⁶⁹⁵ Citant non seulement les futuristes mais également les constructivistes ¹⁶⁹⁶ , Meyerhold, Piscator et Brecht, de même que R. Rolland et le « théâtre militant, délibérément politique » ¹⁶⁹⁷ qui se développe en France dans les années 1920, P. Chaudoir trace des filiations, mais souligne également leur caractère discontinu. Si « le début des années 1930 voit la prolifération [en France] de groupes amateurs de théâtre ouvrier directement influencés par les thèses de l’agit prop » ¹⁶⁹⁸ (les Blouses Bleues, le Groupe Octobre, Mars, le Théâtre International Ouvrier), « à une pratique directe du théâtre d’agitation, présente au départ, tendra à se substituer progressivement un autre mouvement, celui du théâtre populaire » ¹⁶⁹⁹ , au point que « sur un plan directement politique, ce n’est finalement que dans l’après 68, dans une sorte de relecture, qu’on verra se renouveler cette filiation de l’intervention directe hors des espaces classiques du théâtre. » ¹⁷⁰⁰