Chapitre 2. Le théâtre en ses nouveaux lieux (du) commun(s). Refondation esthétique réciproque de la communauté théâtrale et de la communauté politique

L’ambition d’une re-fondation réciproque de la communauté théâtrale et politique pose deux questions, celle de la définition de la communauté, et celle des moyens de sa refondation. Il semble que le dénominateur « commun » susceptible de fonder cette communauté soit toujours dans cette cité recherché sur le mode de la « communion », terme qui désigne à la fois « l’union avec (cum et unio) » 1759 et « la mission à partager (cum munus 1760 , qui « conjoint l’horizontale – "être membre de" – à la verticale – "adhérer à". Et telle est l’équation de tout regroupement ayant vocation à durer. […] Car ce qui est commun aux membres leur sera supérieur et extérieur […] » 1761 , mais non pas antérieur à l’espace-temps théâtral, qui fonde donc véritablement la communauté. Nous voudrions donc à présent étudier moins la composition du public que la spécificité esthétique d’un théâtre qui, pour toucher (au sens propre parfois) le spectateur, bouscule son statut et par ricochet celui de l’artiste, tant au sein de la création que dans la société. Nous centrerons notre analyse sur trois exemples : la compagnie de théâtre de rue Kumulus, auteur des Squames  et d’Itinéraires sans fonds-Rencontre de Boîtes, et qui nous paraît incarner la dualité à l’œuvre dans les projets de théâtre s’adressant au public-population de l’espace public ; l’œuvre d’Armand Gatti, et plus spécifiquement les Combats du jour et de la nuit, projet mené en 1989 à la maison d’Arrêt de Fleury-Mérogis, qui permettra d’étudier les tensions propres au travail avec les publics-cibles ; et enfin, les « Passerelles » explicitement conçues par le Théâtre du Grabuge comme moyen de refonder la « communauté désoeuvrée » en communauté de « nobles citoyens. » Ces trois exemples permettront de voir comment se tissent concrètement les enjeux esthétiques et politiques, mais aussi d’analyser les tensions internes à une catégorie élaborée par les chercheurs pour décrire ces diverses pratiques, le « théâtre d’intervention. »

Notes
1759.

Régis Debray, Les communions humaines, Paris, Fayard, 2005, p. 60.

1760.

Idem.

1761.

Ibid., p. 61.