Cette présentation volontairement aguicheuse n’est pas sans faire songer à celle des bateleurs de foire racolant le badaud pour lui faire contempler leurs monstres en cage. Mais ce clin d’œil humoristique à l’histoire mythique du théâtre de rue se double d’une autre référence, moins amusante, à la colonisation et les cages se veulent évocatrices de celles dans lesquelles ont pu être exhibés des sauvages durant l’époque coloniale. Les Squames fourniraient donc un contraste révélateur de l’envers du décor de notre société prétendument civilisée. Et la fin du texte insiste sur la dimension non seulement collective mais également individuelle, personnelle, de la remise en question. Se mêlent donc une forme de contestation du modèle occidental dominant qui tend à exterminer les modes de vie (et espèces) minoritaires, et une mise en valeur du pouvoir de l’altérité, capable de réveiller l’individu civilisé à lui-même, à sa nature profonde persistant sous ce masque, avec l’évocation des « réminiscences » d’animalité qui « sommeillent » en nous. Ce spectacle tient du happening puisque toutes les actions des Squames sont improvisées, hormis leur arrivée, enchaînés, escortés par des gardiens, et leur départ pour leur camion, dans les mêmes conditions. Ce choix esthétique, en accord total avec le propos des artistes, déplace l’accent sur la relation avec le public. Et il semble que ce soient les réactions de ce dernier qui constituent cet événement en « événement théâtral », dont la spécificité est qu’il n’apparaît pas comme tel à l’ensemble des spectateurs.
Source : Site de la compagnie : www.kumulus.fr.