Chapitre 2. Le théâtre de lutte politique, des formes-sens entre héritage des modèles historiques et renouveau

Introduction

L’évolution du contexte politique international et national depuis 1989 a relancé l’idée de la nécessité d’un théâtre articulé à un projet critique d’émancipation, voire à la lutte politique concrète, selon des modalités diverses au sein desquelles les spectacles continuent à occuper une place de choix. Tant par les questions abordées que par leur mode de traitement, les spectacles de lutte politique créés à partir de l’année 1989 et des cérémonies du Bicentenaire de la Révolution se situent dans un véritable renouveau – c’est-à-dire à la fois une filiation et une transformation de l’héritage – du théâtre de lutte politique tel qu’il s’est développé de la fin du XIXe siècle aux années 1970, et que l’on aurait pu croire moribond durant les années 1980. L’héritage doit être abordé par le biais terminologique – le théâtre populaire est dans cette cité entendu au sens d’un théâtre de combat pour (voire par) les classes populaires, et le théâtre d’agit-prop demeure une référence présente, quoique de manière plus marginale que le théâtre d’intervention. L’héritage et les reformulations doivent être abordées également par leurs enjeux formels – prédominent sur ce point le réinvestissement du modèle du théâtre épique et particulièrement du théâtre documentaire, ainsi que les procédés comiques. Quant aux deux grands axes de questionnements politiques qui ressortent dans les spectacles de théâtre politique au cours de la période 1989-2007, ils témoignent également de cette subtile dialectique entre héritage et reformulations : le monde du travail est abordé par le biais d’une représentation devenue traditionnelle de la classe ouvrière, mais les modalités de la lutte des classes ont changé à mesure que le domaine de la lutte s’est étendu tant en termes géographiques que sociaux, les cadres étant aujourd’hui victimes de la mondialisation aux côtés des ouvriers. Quant aux manquements de la France à sa noble devise « liberté, égalité, fraternité », que le Bicentenaire de la Révolution autant que le nouveau contexte national et international ont conduit à réexaminer à partir de 1989, ils sont abordés dans nombre de spectacles au travers d’un couple d’interrogation qui lie l’ancienne question de la colonisation aux nouvelles formes et modalités d’immigration.