a. Le retour du retour sur la condition ouvrière : les ouvriers, entre représentation et présence sur la scène, entre monde ouvrier et classe ouvrière.

Les évolution des représentations de la classe ouvrière et des travailleurs sur la scène ont évolué en parallèle avec les évolutions du monde du travail. Tout au long des années 1990 l’on assiste à un durcissement des conditions de travail, conséquence de la mondialisation du marché du travail, qui impose aux travailleurs cette alternative : accepter de travailler au rabais ou perdre leur emploi du fait des délocalisations – le rabais ne faisant souvent d’ailleurs souvent qu’anticiper le chômage. Le contexte politique et économique est propice à un regain de mobilisation des travailleurs, mais ce n’est pas la moindre victoire de la nouvelle organisation du travail que d’avoir réussi à casser les solidarités collectives non pas en s’opposant frontalement aux travailleurs mais tout simplement en faisant jouer leur revendication d’autonomie contre la notion de collectif – et donc de classe – autrement dit en réutilisant la critique artiste du capitalisme pour invalider sa critique sociale et affaiblir ainsi les forces de la contestation. Le théâtre entend donc participer à sa mesure à la lutte contre les conditions de travail mais aussi à la lutte contre la disparition de la classe ouvrière par deux moyens : la représentation du monde ouvrier incitant à la mise en œuvre d’une action collective, et/ou la présence réelle sur scène de représentants du monde ouvrier. Nous n’analyserons pas en détail l’ensemble des spectacles créés depuis les années 1990 qui mettent en scène la classe ouvrière, non parce que ces exemples seraient trop anecdotiques, mais au contraire parce que ce type de spectacle connaît aujourd’hui un renouveau tel que plusieurs travaux de recherches récents y sont consacrés 2427 . Nous souhaitons plutôt, à travers l’analyse non exhaustive de certains exemples, pointer les spécificités mais aussi les éventuelles contradictions de ces pratiques, qui nous paraissent essentiellement liées à deux facteurs. D’une part ces spectacles, s’ils mettent en scène des ouvriers et parfois les mettent sur scène, sont toujours conçus et encadrés par des artistes professionnels, et nous n’avons eu connaissance d’aucune expérience purement autoactive sur la période 1989-2007. Ceci s’explique par les évolutions du monde ouvrier mais aussi par l’évolution de ses représentations, y compris l’évolution des représentation que les ouvriers se font d’eux-mêmes en tant que collectif. De fait, les ouvriers (re)présentés et les situations prises en charge par les spectacles révèlent que la condition ouvrière s’est durcie sans pour autant susciter une reformation consistante de la classe ouvrière, et c’est de cette situation paradoxale que témoignent les deux types de spectacles que nous souhaitons analyser.

Notes
2427.

Deux des membres du groupe de recherche Théâtres Politiques, Léonor Delaunay et Marine Bachelot, y consacrent ainsi tout ou partie de leurs recherches.