1-Le pouvoir et l’Etat

La notion de pouvoir est omniprésente dans les rapports entre l’Etat, les acteurs politiques, l’espace public et les médias. C’est pourquoi il est indispensable de nous arrêter à ce terme dont les significations divergent selon les contextes et les auteurs pour en fixer une acception opératoire. De la même manière, les notions de pouvoir et celle d’Etat divergent d’une nation à une autre et à l’intérieur d’une même société. La conception que nous avons du pouvoir est conditionnée pour partie par la fonction même de l’Etat dans lequel nous vivons.

Ainsi, en Irlande du Nord, pouvoiret Etat sont étroitement liés au gouvernement britannique, à l’exécutif et ipso facto à l’armée britannique et la police d’Irlande du Nord (PSNI, héritière de la Royal Ulster Constabulary). Les accords de paix d’avril 1998 prévoyaient la semi-autonomie du gouvernement nord-irlandais 4 , le partage du pouvoir entre Catholiques et Protestants ; devant le caractère irréductible des violences entre Unionistes et Républicains, Londres avait suspendu cette dévolution en 2002. Suite aux accords de Saint Andrews en octobre 2006, Londres et Dublin ont confirmé le retour d’un gouvernement et de l’Assemblée semi-autonomes à Belfast. Avec à sa tête, une direction bipartite (unioniste et républicaine), l’Ulster devrait donc retrouver en mars 2007 les pouvoirs exécutif et législatif. Dans le casparticulier de l’Irlande du Nord, l’exercice du pouvoir est complexe dans la mesure où les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) sont soit partagés entre l’assemblée de Stormont (Ulster) et le parlement de Westminster (Angleterre), soit directement dévolue au gouvernement anglais lorsqu’il y a une suspension du gouvernement autonome nord-irlandais. Le pouvoir est donc ici incarné par ceux qui détiennent pour reprendre les propos de Max Weber, « le monopole de la violence physique légitime 5  ».De la même façon, ce terme recouvre au sein des entités israélienne et palestinienne une acception différente et peut-être plus complexe encore. Le pouvoir en Israël est incontestablement dans les mains du premier ministre et de son gouvernement, le chef de l’Etat ne jouant qu’un rôle d’apparat (proche de celui des Présidents français de la IIIème république). Par ailleurs, l’action du gouvernement israélien est régulièrement entravée par un double clivage : politique (gauche-droite) avec un parlement de cent vingt membres (à chambre unique) et religieux (laïc-juif). La Knesset est la détentrice du pouvoir législatif , mais aussi d'un pouvoir de contrôle sur le pouvoir exécutif . Le pouvoir exécutif est assuré par le Premier ministre , qui est le dirigeant du parti ou de la coalition majoritaire au Parlement. Le pouvoir judiciaire est tenu des juges de la Cour Suprême .

Enfin, en Palestine, deux périodes sont à considérer non pas séparément mais en corrélation l’une avec l’autre. La première période va jusqu’à la mort d’Arafat en novembre 2004. Le pouvoir y est très centralisé, pour ainsi dire quasi-monarchique, en dépit d’un Conseil législatif palestinien qui désigne le parlement palestinien (également à chambre unique), composé de quatre-vingt huit parlementaires élus au suffrage universel. Le pouvoir y est néanmoins associé à la figure de Yasser Arafat, Président de l’exécutif. Ensuite la seconde période se divise en deux moments. Le premier débute en janvier 2005 (date de l’élection présidentielle) et s’achève en janvier 2006, (date des dernières élections législatives), le pouvoir est détenu conjointement par le Président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le chef du gouvernement Ahmed Qoreï, mais reste entre les mains du Fatah. Ensuite, le pouvoirdevient bipartite à partir de janvier 2006, avec les élections législatives et la victoire du Hamas. Cette situation politique est assez proche de la configuration gouvernementale nord-irlandaise, puisque Fatah et Hamas sont farouchement opposés et le dissensus politique entre les deux principaux partis palestiniens a gagné la société civile depuis plusieurs le 15/06/2007, provoquant une véritable guerre civile. Comme en Irlande du Nord, et même si l’échelle politique et symbolique n’est pas identique, seul un arbitrage extérieur au territoire (en l’occurrence l’Egypte et les Etats-Unis) peut imposer un statu quo entre les deux partis. Mais la comparaison s’arrête là, car nous ne pouvons en aucun cas mettre sur un même pied l’arbitrage nord-américain et celui des pays arabes, et celui de la république d’Irlande et de la Grande-Bretagne. D’un côté, il est question de stratégies de politique extérieure Etats-Unis/ pays arabes ; de l’autre, il s’agit de régler une situation de politique intérieure car, pour la République d’Irlande, la question de l’Irlande du Nord est davantage une question de politique intérieure.

L’exemple de ces trois pays met en évidence la difficulté à tracer les limites de la notion de pouvoir et la lie, en matière de gestion de la violence conflictuelle, à l’exécutif.

Notes
4.

L’administration directe par Londres a été effective de 1969 à 1999. Ce parlement semi-autonome (108 membres élus pour cinq ans) est précédé le 29 novembre 1999, d’un gouvernement bi-confessionnel (protestants et catholiques). Le gouvernement et l’assemblée sont dotés des pouvoirs législatif et exécutif, Londres conservant ses prérogatives en matière de budget, de sécurité publique et de la monnaie.

5.

Weber Max, Le savant et le politique, Paris, 10/18, 2002, p. 125.