DEUXIÈME PARTIE
LA REPRÉSENTATION MÉDIATIQUE DE LA VIOLENCE CONFLICTUELLE

La médiatisation de l’actualité est intriquée dans des logiques politiques, économiques et sociales. Michel Barthélémy la présente en ces termes : « La mise en scène des événements dans la sphère médiatique n’est pas la totalité, mais seulement une composante, d’un processus d’inscription sociale plus large. (…) La réception des événements est une composante intrinsèque de leur individuation sociale, et non un phénomène contingent rapporté au rôle prépondérant des médias 1 » Cet aspect est prégnant dans le cadre des conflits armés, puisque les violences terroristes fédèrent nécessairement et radicalement contre elles ou avec elles, et mobilisent des représentations symboliques issues de l’histoire – politique, sociale et religieuse – d’un pays et d’un peuple. S’attacher à la représentation médiatique d’un conflit implique de prendre en compte le fait qu’un événement ne trouve sa complétude qu’à travers la double médiation de la presse et d’un collectif d’appartenance.

La violence des conflits israélo-palestinien et nord-irlandais, souvent manifestée par le terrorisme et la lutte contre celui-ci, convoque l’Etat, qui est pris « entre deux feux » : celui de la publicisation quasi-instantanée de l’événement par les médias, et celui de la nécessité de donner une réponse forte et immédiate aux auteurs de ces violences. Les caméras de télévision et l’action répressive font rarement bon ménage dans ces moments de tensions extrêmes, sauf lorsque les médias se rangent derrière le consensus civil pour le rétablissement de l’ordre public, contre les violences terroristes.

Nous reviendrons brièvement sur les conflits étudiés, les notions et les « images » qu’ils convoquent (chapitre 3). Après avoir précisé ces cas d’étude, nous poursuivrons notre réflexion sur les rapports entre Etat, médias, acteurs politiques et auteurs des violences 2 (chapitre 4 et 5). Nous envisagerons différentes hypothèses relatives à la position difficile des médias dans ces moments de tension et de violence. Quelle est la place des médias dans les situations conflictuelles ? L’alternative qui consisterait à faire des médias, en temps de crise, soit un instrument du pouvoir, soit un véritable contre-pouvoir susceptible de séduire les terroristes, nous semble mettre de côté la complexité et l’ambiguité des relations entre médias, Etats et acteurs politiques (et aussi auteurs des violences).

Quelle est la place d’internet dans ces conflits ? Y-a-t-il de la place pour une nouvelle relation discursive ? Du fait de son développement,  pouvons-nous parler d’un renouvellement des discours dans les conflits, et conséquemment des relations entre les différents acteurs ? Ce dernier doit-il être considéré comme un simple médium, reproduisant le discours médiatique, ou au contraire propose-t-il une latitude « d’agir symbolique » susceptible de séduire, ou d’inquiéter suffisamment les acteurs des conflits –presse comprise ?

Notes
1.

Barthélémy Michel, « Evénements et espace public : l’affaire Carpentras », Quaderni, automne 1992, p. 126-127.

2.

Nous distinguons ici acteurs politiques et auteurs des violences même si, dans les deux conflits, les discours politiques et médiatiques les confondent parfois. Nous verrons d’ailleurs dans la troisième partie de notre thèse que la qualification des acteurs du conflit est révélatrice des représentations symboliques, et des stratégies discursives et politiques, à l’œuvre dans l’espace public concerné par les violences.