1-1 La mise en perspective de la notion d’espace public : la théorie habermassienne

L’ouvrage de Jürgen Habermas 59 représente un tournant important dans la littérature consacrée à l’espace public. Son propos n’en demeure pas moins fondateur de toute la pensée moderne sur le sujet. D’après lui, Le contrat social de Jean-Jacques Rousseau, l’exercice de la mesure de la Raison de Voltaire dans son Discours sur l’inégalité, comme condition sine qua non de l’apparition d’une société démocratique et de libre échange, composent les bases préexistant à la constitution de l’espace public.

J. Habermas situe au siècle des Lumières la naissance de cet « espace » raisonné de discussions. Il apparaît au moment où se développent les réseaux physiques de communication. La Révolution est le promoteur des Lumières et de la pensée qui s’établit progressivement autour d’une nouvelle conception des rapports entre Etat et société civile. Le décalage existant entre l’ordre politique et l’ordre social semble trouver un remède dans l’échange discursif raisonnable, concrétisé entre autres par la montée en puissance de la classe bourgeoise.

Ce sont là les prémices de l’espace public contemporain : J. Habermas suppose en son sein une discussion au cours de laquelle l’usage raisonné de la parole est de rigueur. Peu à peu l’espace public s’institutionnalise. Cette publicité constitue pour les citoyens un moyen de pression à l’encontre du pouvoir de l’Etat.

La politisation de la vie sociale, l’essor de la presse d’opinion, la lutte contre la censure et pour la liberté d’expression, entre autres, achèvent l’instauration d’une sphère publique politique. Cet espace de discussion échappe à l’emprise de l’Etat et le met éventuellement en cause par des critiques formulées au cours d’échanges d’opinion. Les enjeux idéologiques et politiques se situent à ce niveau, dans la mesure où l’Etat, dans son action répressive, peut difficilement se passer de la légitimation par la société civile publique sous peine de se retrouver confronté à une autre forme de crise, cette fois-ci civile.

A travers ces échanges se manifeste une forme de publicité, exercice critique de la Raison, dans laquelle seul le meilleur argument prévaut. Pour que ce système fonctionne, l’information doit circuler convenablement ; il doit donc y avoir publicisation de l’opinion. Et celle-ci s’effectue, parallèlement aux académies scientifiques par le biais de la presse. Elle se développe alors comme un auxiliaire de l’espace public.

La place des médias dans l’espace public et leur relation à l’Etat constitue le second point d’ancrage de notre réflexion : la publicisation de l’action de l’Etat passe par le relais médiatique, qui devient en quelque sorte la « caution objective », le tiers symbolisant du pouvoir.

Notes
59.

Habermas Jürgen, L’espace public, (1962), Paris, Paris, 1997.