Chapitre 5 – Médias et acteurs du conflit : forcément complices ?

Dans ce chapitre, directement lié au précédent, nous voulons mettre en évidence les relations les médias, auteurs des violences et acteurs politiques 137 dans les conflits. Il s’agit, tout d’abord, de préciser les relations qu’entretiennent les médias avec les auteurs de violences terroristes, en nous appuyant sur un courant de pensée britannique qui au plus fort de la confrontation en Irlande du Nord a été très populaire dans les milieux politique et scientifique, et dont les mécanismes du Léviathan démocratique 138 s’inspirent largement.

Selon les penseurs de la Contre-Révolution, les médias seraient les « victimes consentantes 139  » des terroristes. Cette conception peut prêter à caution mais a largement contribué à justifier la censure étatique en Grande-Bretagne. La réflexion sur cette conception est un passage nécessaire à notre recherche, car elle permet de souligner le décalage qu’il peut parfois y avoir entre les artifices de la légitimation d’une censure médiatique et la réalité sur le terrain. Cela nous renvoie à l’épisode de la prise d’otages à l’ambassade d’Iran, événement qui illustre parfaitement l’acceptation par les médias d’une censure ouverte au nom de l’ordre public.

La seconde partie de ce chapitre présente une alternative aux penseurs de la Contre-Révolution. Nous appuierons, enfin, notre argumentation sur le rapport complexe qui unit les médias et l’opinion publique en temps de crise.

Notes
137.

Nous précisons à nouveau que nous distinguons ici les auteurs des violences et les acteurs politiques alors que parfois les médias font l’amalgame entre les deux. Nous différencions les opposants politiques (Sinn Féin ou Fatah par exemple) et les terroristes (terme appliqué par les médias aux organisations paramilitaires telles que l’IRA, les Brigades des Martyrs d’Al Aqsa). Cette échelle terminologique est également fondamentale dans la logique politique (on négocie éventuellement avec les acteurs politiques mais pas avec les terroristes), mais se trouve largement réduite, voire écrasée au profit d’un concensus démocratique contre une violence terroriste totalitaire et totalisante.

138.

Nous renvoyons au chapitre 4 de la thèse pour le détail de cette notion.

139.

Jenkins Brian, «Responsabilities of the News Media - I», Terrorism, Press and Media, Londres, International Press Institute, 1980, non paginé : « the media are the willing victims of the superstars of violence ».