2-3 Des alliances idéologiques

Il semble difficile en l’état actuel de clore ce débat sur l’hypothétique commensalisme entre médias et terroristes, nous souhaitons cependant arrêter notre réflexion à la question des alliances idéologiques qui peuvent malgré tout exister entre médias et terroristes, ou plus largement opposants au régime, en reprenant une citation de Terrorisme à la Une : « Les effets de tels actes sont donc d’abord fonction de la scène où ils sont interprétés 172 . »Si cette remarque peut sembler être un truisme, il n’en demeure pas moins vrai que le terrorisme palestinien en frappant la société israélienne vise au delà de celle-ci ; la communauté juive étant très importante aux Etats-Unis et en France, il est fort probable que les commanditaires cherchent à atteindre au-delà de leur acte, non plus seulement l’autorité et l’opinion israélienne, mais l’opinion internationale.Ceci n’explique cependant pas pourquoi les événements en Irlande du Nord n’ont jamais eu un tel écho même au plus fort des hostilités. Nous voyons ici une contradiction, qui est une interprétation possible de ce phénomène : même s’il y a une diaspora irlandaise aux Etats-Unis, les enjeux idéologiques et économiques ne sont pas aussi prégnants ; ensuite, les schémas terroristes unionistes / nationalistes (ostensiblement politiques) n’entrent pas dans le cadre de l’opposition idéologique occident / orient mentionnée ultérieurement, opposition poussée à son paroxysme depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Par ailleurs, le statut de la presse n’est pas le même sur le territoire des conflits ; ainsi, les quotidiens palestiniens, du fait de la structure actuelle de la société et de la jeunesse de cette presse, de la pression militaire israélienne 173 enfin, n’ont certainement pas l’autonomie politique et surtout financière que peuvent avoir les médias israéliens ou anglo-saxons – dans l’ère post-Thatcher en tout cas. Ensuite, les logiques éditoriales au sein des médias divergent en fonction du support : presse papier quotidienne ou hebdomadaire, presse magazine,télévision et radio nationale ou communautaire.Enfin, la manière dont la presse traite d’un événement terroriste est bien évidemment fonction de son implication : pour preuve, les tensions qu’il y eut au début de la dernière Intifada en France en 2000. La mise en question de la presse hexagonale, taxée de sympathie envers la cause palestinienne par les uns et de coalition avec la nation israélienne par les autres, est un exemple intéressant. Dans ces périodes de tension, les alliances idéologiques avec « l’ennemi » sont facilement imputables à la presse, a fortiori dans le cas d’une crise aussi complexe que le conflit israélo-palestinien. Ce phénomène se prolonge d’ailleurs sur internet dans les forums de discussions qui sont souvent considérés à tort par les internautes comme de véritables espaces publics virtuels.

Ces différents arguments n’orientent pas notre propos en faveur d’une complicité, à long terme, entre médias et terrorisme. S’il y a manipulation, elle est rare. Les intérêts convergents qui réunissent parfois les médias et les auteurs des violences ne sont jamais suffisants pour justifier d’une complicité totale et absolue. Notons d’ailleurs, parallèlement à P. Schlesinger, que le pouvoir est souvent à l’origine du jugement négatif porté sur le rôle des médias en période de conflit.

Notes
172.

Wieviorka,Wolton D., op.cit., p. 54.

173.

Les locaux de la radio Voice of Palestine ont été bombardés par l’armée israélienne durant l’hiver 2002.