Nous lancer dans l’analyse de ces dispositifs sans méthode nous a semblé hasardeux ; c’est la raison pour laquelle nous empruntons largement à A.L. Touboul la méthodologie qu’elle propose dans sa thèse 54 . Nous n’évoquerons pas, ou très brièvement, le dispositif technique qu’induit la navigation sur le Web, pour nous consacrer au dispositif formel. Nous gardons néanmoins à l’esprit que la lecture sur écran n’est pas la même que celle sur papier et que cela engendre un certain nombre de contraintes dont il nous faut tenir compte : une page-écran est différente d’une page - papier, dans ses dimensions - souvent un seul « tableau » sur internet représente en sortie impression plusieurs pages de format A4 (21 X 29,7 cm), généralement deux ou trois pages. Lors de l’impression, l’unité de la mise en page est souvent rompue et les couleurs peuvent être sensiblement différentes. Les sites sont composés de pages que nous déroulons un peu comme les rouleaux égyptiens ; le mouvement de lecture d’un journal se fait non pas horizontalement - les feuilles tournées d’un journal par exemple – mais verticalement et le principe du lien hypertextuel, qui nous renvoie à des sous-couches textuelles ou iconiques, donne au document consulté une dimension inhabituelle de lecture, celle de la profondeur. Conscients de ces difficultés et des biais éventuels inhérents à l’impression des pages web, nous avons néanmoins pris le parti d’étudier ces sites dans leur version électronique et pour certains discours sur tirage papier.
Un dernier point concerne la surface de lecture : comme le fait A.L. Touboul, nous avons mesuré les différents cadres qui délimitent notre consultation sur le web. Ces éléments ne doivent pas être oubliés, conditionnant véritablement l’architecture des sites et la perception visuelle que nous en avons, donc indirectement le dispositif signifiant.
Voici donc ce que nous avons mesuré :
dimension du moniteur : 32,3 cm (L) X 26,1 cm (H)
dimension écran : 24,6 cm (L) X 18,6 cm (H)
dimension contenu page Web : 24, 6 cm (L) X 13, 2 cm (H)
La taille de visualisation de la page est considérablement réduite, 76 % en largeur et 61% en hauteur par rapport à la dimension du moniteur. Il est évident que ces données divergent en fonction de la taille de l’écran (15 pouces, 17 pouces ou 19 pouces) ou du navigateur utilisé pour la consultation. Pour certains sites, ce phénomène est assez gênant, obligeant à un usage vertical et horizontal du curseur, brisant ainsi l’unité de la mise en page.
La lecture sur le web est donc contrainte par le dispositif technique, ce qui n’a rien de très original en soi, dans la mesure où la lecture d’un journal est également restreinte à la dimension du support. Une différence notable surgit néanmoins avec le contenu d’un quotidien qui est généralement adapté au support de lecture ; cela est rarement le cas avec l’informatique et les sites internet.
Notre démarche d’analyse concernant le dispositif formel des sites internet sera triple : nous avons choisi de nous attarder sur les pages d’accueil du fait qu’elles constituent la première image que nous avons d’un site et donc du parti politique éditeur de ce dernier. Deux points d’analyse sont d’abord proposés : l’identification, c’est-à-dire le nom du site, le logotype et les adresses URL figurant en bas de l’écran de l’ordinateur ; puis l’organisation, autrement dit la maquette de la page d’accueil selon cinq éléments de comparaison : le logotype en haut de la page, la colonne de gauche, l’espace central, la colonne de droite et enfin l’espace qui délimite la fin de la page 55 .
Un aspect particulier à internet a ensuite attiré notre attention : les liens hypertextuels, non pas à l’intérieur du site, mais ceux qui renvoient à un territoire extérieur au site web. Ces liens « extra-territoriaux » sont une transition avec les médias, les sites gouvernementaux, les autres partis politiques, etc. Ils renforcent l’identité dont se réclame le site et renseignent sur ses stratégies discursives.
Pour rendre plus claire notre étude, nous avons réalisé le schéma de chacune des pages d’accueil des sites consultés 56 . Ces schémas ont pour but d’éviter au lecteur de va-et-vient incessant entre étude de cas et annexes mais aussi et surtout de rendre plus « visuelle» l’architecture des sites.
Une fois cette étape franchie, il nous a semblé important de dépasser cette première observation de la page Web pour nous attarder à la construction argumentative de ces sites. Nous faisons l’hypothèse que la page d’accueil est, en corrélation avec l’architecture du site, un élément à part entière dans la rhétorique de ces sites. En d’autres termes, nous souhaitons mettre ici en avant les techniques de l’argumentation dans le dispositif formel de chacun des sites des partis politiques.
L’étude formelle des sites mentionnés devrait nous fournir de précieux indices sur la façon dont les différents partis politiques usent de ce dispositif comme d’un nouvel espace de légitimité, comment ils s’y définissent et comment, ensuite, se jouent les identités sur le média électronique.
Touboul Annelise, Le journal quotidien sur le Web, thèse : Sciences de l’information et de la communication : Lyon 2 - Université Lumière, 2001.
Cette classification a été élaborée par A.L. Touboul dans Le journal quotidien en ligne, op.cit.
Une impression écran de la page d’accueil de chacun des sites étudiés est disponible en annexe 9 (p. 521 - 537).