Chapitre 8 - Le conflit et la figure du leader politique

S’intéresser à la figure du leader politique dans les deux conflits n’est pas chose facile pour deux raisons. La première difficulté tient à la nature des corpus comparés, internet et la presse écrite, dont les temporalités et la nature des sujets abordés diffèrent pour le moins. Notre corpus s’arrête à quatre événements principaux : le plan de retrait de Gaza et la mort de Yasser Arafat pour le Proche-Orient, et le désarmement de l’IRA et l’affaire Holy Cross School pour l’Irlande du Nord. Nous avons circonscrit assez aisément ces événements dans la presse et sélectionné les articles correspondants. En revanche, les sites internet des partis politiques ont une visée plus généraliste sur l’actualité, qu’ils utilisent comme support de leur programme politique. La conséquence principale de ce phénomène est que, à l’exception du désarmement de l’IRA qui appartient à la politique générale, les autres événements du corpus ne sont pas traités dans les sites des partis politiques ou alors de façon extrêmement marginale.Il nous a donc fallu composer avec cette particularité, et c’est la raison du plan de ce chapitre qui se divise en trois parties distinctes : la construction rhétorique de la mort de Y. Arafat dans la presse écrite, la construction médiatique du leader politique sur internet dans les sites des partis politiques, et enfin sa représentation dans les deux médias sur un mode binaire.

Pourquoi nous intéresser à l’événement qu’a constitué la disparation de Y. Arafat ? Nous avons choisi d’interroger le discours sur la mort du chef de l’Autorité palestinienne, car il constitue un pic dramatique dans le conflit israélo-palestinien, et en ce sens, il fait ressortir clairement des logiques discursives qui sont parfois latentes dans les articles des journaux. Les ressorts argumentatifs sont alors plus saillants et l’analysepermet de mieux comprendre la construction de la figure du leader politique, même s’il s’agit là d’un cas particulier dans un moment particulier. Nous pensons en effet que, dans le cas précis de la technique argumentative des médias dans les périodes conflictuelles ou post-conflictuelles, la matrice des cadres représentatifs du leadership demeure la même.

Par ailleurs, dans un souci d’équilibre et parce que l’Irlande du Nord n’est plus dans la même temporalité conflictuelle que le Proche-Orient, il nous a semblé nécessaire d’arrêter notre étude à un moment charnière du conflit nord-irlandais : le désarmement de l’IRA. Cet épisode est un pont événementiel entre le moment final du conflit et le début de l’ère post-conflictuelle en Irlande du Nord. Il permet de dégager des oppositions binaires fortes entre les principaux leaders politiques, dans les discours de presse comme sur internet, qui nous semblent révélatrices des représentations à l’œuvre dans les situations de crise.

Parce que la mort de l’ancien leader palestinien constitue un événement dans la politique proche-orientale et qu’il constitue, comme le désarmement de l’IRA, une étape importante dans les conflits et dans leur résolution présente ou à venir ; nous avons choisi de nous y attarder le temps d’un chapitre.

La deuxième difficulté tient à la structuration du chapitre et, donc, d’une analyse qui mêle des écritures et des dispositifs différents et qui s’intéresse à des types d’énonciation basés sur la médiation d’un tiers, pour l’une, sur une locution directe pour l’autre. Par ailleurs, l’accès aux rubriques des sites internet est plus ou moins aisé selon les partis ; ainsi le Fatah ne permet plus l’accès à la page consacrée à Mahmoud Abbas.

Pour palier ces difficultés, il nous a semblé utile de proposer un chapitre construit non sur une opposition symétrique entre les deux médias, mais sur la mise en scène du leader politique fondée sur la logique corrective. Le site internet permet en effet de moduler une image du dirigeant, en deçà ou au-delà de la représentation donnée par la presse écrite. Et ce sont précisément ces modulations et les écarts discursifs qui nous intéressent.