1-3-2 Les funérailles

Le moment des funérailles d’Arafat est relaté par The Jerusalem Post dans les éditions du 12 et du 14 novembre 2004. Nous avons, comme pour les précédents quotidiens, dressé un tableau récapitulatif des articles narrant l’événement ; articles que nous avons cette fois-ci regroupés dans un seul tableau. Les rubriques auxquelles appartiennent les articles ne sont pas mentionnées sur le cédérom du Jerusalem Post consulté.

L’édition du 12 novembre 2004 produit deux articles annonçant les préparatifs des funérailles de Y. Arafat : « Highest level of alert declared » (« Niveau d’alerte maximum ») et « Israeli Arabs fly black flags » (« Les Arabes israéliens font flotter les drapeaux noirs »)

titre : « Highest level of alert declared. »

Le titre de référence renvoie au code de défense ou de sécurité lorsqu’une menace est imminente. L’article traite des préparatifs de sécurité pour prévenir les débordements des Palestiniens ou des Israéliens d’origine palestinienne. Le quotidien envisage le côté matériel de la mort d’Arafat, ce qui se comprend par le fait que les territoires israélien et palestinien se jouxtent. 

titre : « Bush extends condolences. » (« Bush présente ses condoléances »)

L’intérêt de cet article réside dans la place du discours rapporté comme argument d’autorité. Ce sont des hommes d’Etat qui s’expriment, George Bush, Tony Blair, des secrétaires d’Etat ou des émissaires américains spécialisés dans les affaires proche-orientales, Colin Powell, Martin Indyk. La stature de ces hommes confère à la parole rapportée une légitimité évidente. Les propos modérés des hommes politiques américains décrivent la mort d’Arafat comme « un moment significatif pour l’histoire palestinienne 152  » (G. Bush). L’élément mis en avant est le renouveau politique que peut constituer la mort de Y. Arafat.

Le 14 novembre 2004, The Jerusalem Post propose six articles dont un situé en Une, narrant le déroulement des obsèques de Y. Arafat. Nous n’allons pas tous les analyser en détail car ils sont très descriptifs (« Temple Mount prayers pass peacefully ») et ne réservent que peu de place à des témoignages palestiniens. Nous observons cependant le même procédé narratif que dans les autres quotidiens, consistant à envisager le deuil des palestiniens à travers les principaux lieux : Ramallah, Gaza, Jérusalem-Est, le Caire. Un article est également consacré à Suha Arafat et ses relations difficiles avec les Palestiniens, (« Suha heeds warnings to avoid Ramallah ») ; un autre article narre les incidents survenus dans les territoires palestiniens et à Jérusalem-Est (« General closure to continue »).

titre : « Arafat’s funeral marked by mixture of gunfire, tears. »

L’article décrit la ferveur, les cris et les pleurs, insiste sur les coups de feu tirés en l’air, les blessés, les scènes d’émeute. Le journaliste explique ainsi ces mouvements de foule : « Deux semaines d'apathie humiliante pour le leader mourant ont été rachetées par l'épanchement d'émotion : chacun a voulu toucher l'homme qu’ils appellent "le président" et saisir une partie d'histoire aussi 153 ». Cette phrase renforce le caractère symbolique de Y. Arafat pour son peuple, en mettant en exergue la contiguïté de la matérialité du corps sacré de l’homme (Y. Arafat), l’incarnation politique abstraite (le président de l’Autorité palestinienne et le guerrier) et le désordre émotionnel des Palestiniens.

La couverture médiatique des obsèques réalisée par The Jerusalem Post est donc très largement orientée sur la question sécuritaire ; le discours cité est rare, ce qui provoque une certaine distanciation de la narration. Par ailleurs, le nombre d’articles consacrés à l’événement est très inférieur aux éditions du Monde, de Libération ou de L’Orient le Jour.

Le discours à charge est quant à lui appuyé par les commentaires des journalistes, le discours rapporté et la structure de certains articles. Enfin, la rumeur de l’empoisonnement de Y. Arafat n’est pas traitée spécifiquement par le quotidien israélien. Le fait est brièvement rapporté dans un article publié le 14 novembre 2004, « Comédie française », référant aux tergiversations médicales au moment de l’agonie d’Arafat : « Peut-être parce qu’il n’y a pas de causes connues à la mort (d’Arafat), Khaled Maschaal du Hamas accuse Israël de l’avoir empoisonné 154  ».

La construction rhétorique en faveur ou en défaveur du mythe politique, constituée en partie sur la représentation médiatique de la mort de Y. Arafat, est un processus argumentatif complexe. L’étude de la rhétorique médiatique des quatre quotidiens a mis à jour des procédés discursifs qui ont confirmé nos hypothèses de départ. The Jerusalem Post donne du leader palestinien l’image d’un dirigeant-terroriste devenu homme politique par opportunisme ; cette représentation est à l’opposé de celle donnée par L’Orient le jour qui dépeint Y Arafat comme un homme d’Etat courageux, ayant su résister à la pression israélienne. Le Monde et Libération se placent en arbitre de ce débat discursif et symbolique, en représentant Y. Arafat comme un homme complexe, aux multiples vies, allant du terroriste au Président de l’Autorité palestinienne, en passant par le prix Nobel de la paix.

Cette étude de la construction de la figure du leader politique dans la presse permet d’envisager comment cette figure peut se construire en ligne sur les sites des partis.

Notes
152.

« a significant moment for the Palestinian history ».

153.

« Two weeks of humiliating apathy for the dying leader were redeemed by the outpouting of emotion : everyone wanted to touch the man they call “ the president ”, and grab a part of history as well »

154.

« May be because there is no known “cause of death” Hama’s Khaled Maschaal accuses Israel of poisoning him ».