Holy Cross School est une école catholique pour filles, située dans le quartier catholique d’Ardoyne à Belfast. Pour s’y rendre, les jeunes écolières et leurs parents doivent traverser le quartier protestant de Glenbryn 201 .Les incidents débutent en septembre 2001 et se poursuivent jusqu’en 2002. L’été précédent la rentrée scolaire, une rixe aurait opposé des Unionistes et des Républicains. La tension est montée crescendo et, au moment de la rentrée, elle est à son comble. Les jeunes écolières catholiques doivent emprunter une avenue « protestante » pour se rendre à leur école ; mais ce trajet est considéré comme une provocation supplémentaire par la communauté protestante. Les Protestants accusent les parents catholiques de se servir de leurs enfants pour les provoquer. S’ensuivent alors plusieurs semaines de violences, parmi lesquelles des insultes, des jets de pierre, de bouteilles et d’excréments au passage des écoliers catholiques dans le quartier protestant. Les images de ces violences sont diffusées dans le monde entier et mettent sur le devant de la scène médiatique le conflit nord-irlandais. Les scènes se répètent chaque jour durant plusieurs semaines ; devant la condamnation unanime de ces exactions, les Protestants changent deméthodes et maintiennent leur protestation, mais en tournant le dos cette fois-ci au passage des petites filles.
Les journaux et les télévisions s’emparent de cet événement, proposant selon leur position et leur implication dans l’espace public concerné par ce désordre civil, des représentations contrastées. Nous avons choisi de nous intéresser à la dénomination des acteurs du drame et à la qualification de leurs actions, car celles-ci s’avèrent révélatrices des stratégies discursives en tension dans les différents médias dans un moment de violence très particulier, puisqu’il atteint de jeunes enfants.
La couverture de l’événement est très inégale selon les quotidiens, et s’inscrit dans une temporalité et un moment journalistiques particuliers puisque l’affaire Holy Cross School débute peu de temps avant les attentats du 11 septembre 2001.On observe dans les différents journaux – à l’exception du Monde – la marque d’une double évolution narrative, consécutive aux attentats survenus aux Etats-Unis ; elle se traduit, d’une part, par une diminution du nombre d’articles dans Libération et The Times et, d’autre part, par la marque énonciative du 11 septembre 2001 dans des articles sur Holy Cross School, dans les différents quotidiens 202 .
Voir carte annexe 7-2, p. 503 (« Peace lines that have never seen ceasefire. », « Des “Peaces lines” qui n’ont jamais vu de cessez-le-feu. », The Times, 06/09/2001).
Libération revient sur les violences survenues à Holly Cross School et plus largement sur la situation nord-irlandaise dans l’article « L’Irlande du Nord s’enlise dans la crise » (20/09/2005) : « Depuis l’été, leurs relations (les Républicains) avec les Etats-Unis sont de plus en plus tendues. Après les attentats qui ont frappé les Etats-Unis, la Maison Blanche va exercer une pression encore plus forte. » L’article du Belfast Telegraph, « Glenbryn residents suspend protest for a day » (« Les résidents de Glenbryn suspendent leurs protestations pour une journée ») évoque l’hommage rendu aux victimes du 11 septembre 2001 par les manifestants : « A degree of normality returned to the Ardoyne Road today as Glenbryn residents suspended their protest as a mark of respect to those killed in the World Trade Center and Pentagon tragedies. », (« Un certain degré de normalité est revenu dans la rue d’Ardoyne comme les résidents de Glenbryn ont suspendu leur protestation en marque de respect envers ceux qui ont été tués dans les tragédies World Trade Center et le Pentagone. ») The Times évoque l’impact des attentats du 11 septembre 2001 sur les manifestations protestantes d’Holly Cross School, dans l’article « Accustomed to terror now » (« Habitués maintenant à la terreur ») : « On the day after September 11, many people were incredulous that the protest continued. But, say the loyalists, they have had to live with terrorism for more 30 years, not just one day. », (« Le jour après le 11 septembre, de nombreuses personnes ont été incrédules quant à la poursuite des protestations. Mais, disent les Loyalistes, ils ont dû vivre avec le terrorisme depuis plus de 30 ans, non juste un seul jour. »