Annexe 4 - Historique du conflit nord-irlandais

La société irlandaise a connu au cours du XXème siècle de nombreux soubresauts. Depuis le 10 avril 1998, la signature du Good Friday Agreement (les Accords du Vendredi Saint) a permis à l’Ulster de trouver un certain apaisement et une autonomie prometteuse. Pour en arriver à cette situation, il aura fallu 3 168 morts et 32 500 blessés et plus de trente années de lutte. L’Ulster est pourtant à l’image d’Israël et de la Palestine un territoire de faible superficie ; 1, 57 millions d’habitants occupent cette terre dont 54% de protestants et 42 % de catholiques. Néanmoins, comme au Proche-Orient, la tendance démographique tend à s’inverser et bientôt, dans une région comme dans l’autre, les minorités (palestiniennes et catholiques) deviendront majoritaires.

L’origine du conflit se situe au XVIème siècle lorsque l’Irlande perd peu à peu son indépendance pour devenir une possession anglaise. Les siècles suivants accentuent les disparités économiques et sociales entre une classe possédante et marchande, les protestants, et une classe dépossédée des droits de propriété et d’éducation, les catholiques. La révolte gronde et de nombreuses escarmouches voient le jour au XVIIIème siècle, annonçant les affrontements futurs.

- 1914 : vote de la loi sur Home Rule. Elle semble vouloir apporter une part de l’autonomie revendiquée par les Irlandais puisqu’elle autorise un parlement fédéral et un pouvoir exécutif séparés pour l’Irlande mais néanmoins subordonnés au Parlement de Londres. En dépit de la nouvelle législation, nationalistes et unionistes commencent à s’armer et créent respectivement les Volontaires Irlandais (Irish Volunteers) et les Volontaires d’Ulster (Ulster Volunteers).

- 1916 : une insurrection républicaine éclate en avril à Dublin ; après une lutte acharnée, les insurgés sont vaincus par les forces britanniques mais proclament néanmoins la République d’Irlande le lundi de Pâques ; la place du Sinn Féin, fondé en 1905, est prépondérante dans ce soulèvement du prolétariat et de la petite bourgeoisie. Aux élections de 1918, la victoire du Sinn Féin est nette. Lorsque les Britanniques tentent d’abolir le gouvernement provisoire, la lutte armée éclate entre l’Armée Républicaine Irlandaise (IRA), considérée comme la branche armée du Sinn Féin, et le Royal Ulster Counstabulary (RUC), force de police du gouvernement officiel aidée de l’armée régulière. Une lutte sanguinaire s’ensuit jusqu’au 6 décembre 1921, date à laquelle Michael Collins et Arthur Griffith, délégués du Sinn Féin, acceptent les termes du traité de Downing Street établissant un Etat libre d’Irlande, comparable au Canada dans son allégeance à la couronne britannique. L’autonomie politique est donc acquise pour vingt-six des trente-deux comtés irlandais ; les

six comtés d’Irlande du Nord sont provisoirement exclus du traité et restent sous tutelle anglaise, via le parlement de Stormont. La signature de cet accord apporte la discorde dans les rangs du Sinn Féin provoquant de violents affrontements entre les nationalistes et les républicains de l’IRA. L’agitation terroriste prend fin en Irlande du Sud en 1923 mais ce n’est que neuf ans après que l’indépendance de l’Eire est consacrée avec la victoire d’Eamon de Valera et son parti le Fianna Fail. La lutte armée n’a pas faibli pour autant en Ulster (Irlande du Nord) et les combats entre protestants et catholiques se poursuivent.

Les années soixante constituent un cap ; le monde semble ouvrir les yeux sur les discriminations sociales, raciales et politiques. L’œuvre de Martin Luther King aux Etats-Unis aide à la prise de conscience des disparités sociales et économiques qui règnent en Ulster.

- 1968 : début octobre, les Catholiques passent outre les interdictions du gouvernement et organisent des manifestations pour protester contre les injustices perpétrées par l’Etat à leur égard. Au fil des mois, l’IRA, dissoute en 1962, se réorganise pour devenir dans les années soixante-dix une force populaire et débuter sa longue lutte armée contre le gouvernement britannique en Irlande du Nord et en Angleterre. Des contre-manifestations organisées par les loyalistes deviennent la réplique classique et sanglante des années suivantes. Devant cette situation, l’armée anglaise est envoyée en Ulster pour protéger les Catholiques des attaques protestantes. Mais la recrudescence de la violence républicaine détourne les forces britanniques de leur but premier.

- 1972 : le paroxysme est atteint lorsque le dimanche 30 janvier (Bloody Sunday) treize manifestants catholiques participant à une marche en faveur des droits civiques sont tués par des soldats britanniques. L’opinion internationale est émue ; l’IRA reprend sa campagne d’attentat en Grande-Bretagne. Elle trouvera un premier pic dramatique en août 1979 le jour de l’assassinat de Lord Mountbatten et de l’embuscade tendue à une vingtaine de soldats britanniques.

Les actes de terrorisme se multiplient des deux côtés, provoquant le désordre et laissant la société civile nord-irlandaise exsangue.

- les années 80 : elles ressemblent à la décennie précédente ; néanmoins les partis modérés d’Ulster, la république irlandaise et la Grande-Bretagne tentent de trouver des solutions: Accord de Sunnigdale en 1973 et d’Hillsborough en 1985.

- les années 90 : il faudra néanmoins attendre le milieu des années quatre-vingt-dix et la fin de la politique abstentionniste du Sinn Féin pour aboutir de 1993 à 1996 à des accords de cessez-le-feu, du côté de l’IRA et des Protestants, pour que de réelles discussions s’engagent enfin. Néanmoins, la lutte armée reprend en 1996 entre les factions des deux camps.

- 1998 : les Accords du Vendredi Saint (The Good Friday Agreement) sont signés le 10 avril 1998. L’accord du Vendredi Saint est triple ; il se base tout d’abord sur le règlement pacifique et dans le cadre d’institutions démocratiques du contentieux nord-irlandais. Ensuite, il prévoit le retour à un gouvernement semi-autonome et équitable (partage du pouvoir exécutif, assemblée parlementaire) ; enfin, il augure d’une collaboration nouvelle entre autorités irlandaises et nord-irlandaises. La collaboration des gouvernements irlandais (Eire) et britannique ainsi que l’appui américain ont permis cet accord.

Le paroxysme de la violence est atteint le 17 août 1998 avec l’attentat d’Omagh, un mois après la mort de trois jeunes enfants catholiques tués dans l’incendie criminel de leur maison et les tumultes des dernières marches Orangistes 3 . L’attentat d’Omagh, perpétré par « l’IRA véritable » composée de dissidents opposés à la stratégie de paix du Sinn Féin, ébranle à nouveau la société irlandaise et internationale quatre mois après l’accord du Vendredi Saint.

Paradoxalement, il s’agit là d’un tournant véritable dans le processus de paix dans la mesure où pour la première fois, le Sinn Féin condamne l’action des nationalistes.

- 1999 : le 2 décembre, l’assemblée nord-irlandaise de Stormont est proclamée autonome ; cela met fin à vingt-sept ans d’administration directe par Londres.

- 2000 : l’IRA s’engage à mettre ses armes hors d’usage. Le gouvernement nord-irlandais perd puis retrouve son autonomie.

- 2001 : l’IRA, après que son arsenal ait été inspecté, refuse finalement de désarmer ; David Trimble, alors Premier Ministre, démissionne. A nouveau, l’IRA change de position et accepte de déposer les armes, sans en préciser toutefois les modalités. En septembre, débute l’épisode Holly Cross School : des manifestants protestants s'opposent au passage dans leur quartier de jeunes écoliers catholiques et de leurs parents pour rejoindre l’école primaire Holly Cross. Le Sinn Féin demande officiellement à l’IRA de déposer les armes. La Royale Ulster Counstabulary (RUC), police historiquement pro-unioniste et protestante, est remplacée par la Police Service of Nothern Ireland (PSNI).

- 2002  : David Trimble, de nouveau à la tête du gouvernement nord-irlandais, propose un référendum sur l’unification de l’Irlande. En juillet, l’IRA présente ses excuses aux victimes civiles du conflit. L’IRA fait une nouvelle proposition de désarmement mais renonce à nouveau à dissoudre son groupe. Les bureaux du Sinn Féin à l’assemblée de Stormont sont perquisitionnés, et D. Trimble menace à nouveau de démissionner si le Sinn Féin ne quitte pas le gouvernement. Le 14 décembre, l’administration directe de l’Irlande du Nord est rétablie par Londres.

- 2003 2004 : le Sinn Féin et le DUP arrivent en tête des élections législatives de 2003. En 2004, le processus de paix stagne, les négociations achoppent sur la question du désarmement de l’IRA, et des moyens de contrôler ce dernier.

- 2005 : le 28 juillet, l’IRA annonce son intention de désarmer et de mettre hors d’usage son arsenal. Le 26 septembre, la commission d’inspection du désarmement de l’IRA annonce l’effectivité de celui-ci. Mais le DUP ne se satisfait pas du rapport des inspecteurs et demande des preuves photographiques. Le Sinn Féin et le DUP progressent dans les suffrages, puisqu’ils devancent aux élections législatives britanniques le SDLP et l’UUP.

- 2006 : le processus de paix est relancé entre les Républicains et les Unionistes. Le 11 octobre, la rencontre des deux protagonistes à Saint Andrews (en Ecosse) programme le retour progressif des institutions autonomes en Irlande du Nord.

- 2007 : le 28 janvier, les membres du Sinn Féin reconnaissent la légitimité de la PSNI (police) et de la justice nord-irlandaise, ce qui constitue une avancée historique. Des élections législatives ont lieu en mars afin de renouveler l’assemblée de Stormont qui se réunira à nouveau à partir du mois de mai. Le DUP et le Sinn Féin remportent les élections devant le SDLP et l’UUP. Le 8 mai, Ian Paisley (DUP) et Martin Mac-Guiness (Sinn Féin) sont respectivement désignés Premier Ministre et Vice-Premier Ministre du gouvernement semi-autonome nord-irlandais.

Notes
3.

L’ordre d’Orange est une organisation réactionnaire créée il y a deux siècles pour défendre la suprématie protestante. Portadown accueille chaque 12 juillet une marche loyaliste controversée à travers le quartier catholique de Garvaghy Road.