Des discours aux pratiques : permanences et mutations de l’action économique lyonnaise

Le travail de terrain que nous avons réalisé nous a donc permis d’observer les interactions entre partenaires de ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ et du ‘Pack’, deux politiques dites de « gouvernance économique métropolitaine ». Ce travail nous a dès lors permis de progressivement saisir ce qui se joue autour de l’affichage de coopérations, présentées comme « nouvelles », entre la communauté urbaine de Lyon et les milieux économiques locaux. Plus précisément, ce travail de terrain nous a permis de répondre successivement aux questions suivantes. Nous nous sommes d’abord demandé si ces politiques de « gouvernance économique métropolitaine » illustraient une transformation récente des modes de régulation de l’action publique urbaine à Lyon, comme leurs porteurs l’affirment. La réponse à cette première question s’avérant en grande partie négative, nous avons été amenée à nous demander si ces politiques parvenaient ou non à engendrer la transformation qu’elles présentent (à savoir la mise en place de « nouvelles » coopérations entre la communauté urbaine et les milieux économiques locaux). La réponse à cette deuxième question s’avérant à nouveau en grande partie négative, nous avons enfin été amenée à nous demander quel mode de régulation de l’action publique reflétaient simplement ces politiques, pourquoi les élus et les agents communautaires affichaient des politiques censées illustrer une série de changements de leurs modes d’action et quels étaient les effets (attendus ou non) de la mise en œuvre de ces politiques sur les coopérations existant entre la communauté urbaine et les milieux économiques.

L’étude de sociologie politique de la « gouvernance économique métropolitaine » de la communauté urbaine de Lyon que nous menons ici souligne finalement avant tout l’existence d’un gouvernement privé de l’action publique urbaine ou métropolitaine étudiée. De manière à présenter le matériau qui nous permet de discuter cette thèse centrale, nous articulerons notre propos en deux parties.

Nous analyserons d’abord l’émergence de la « gouvernance économique métropolitaine » comme enjeu et comme projet des acteurs lyonnais. Nous aborderons pour cela notamment les points suivants : les contenus de récits de « gouvernance économique métropolitaine » de plus en plus nombreux, ainsi que les trajectoires individuelles et collectives des porteurs de ces récits progressivement traduits en dispositifs d’action. Nous montrerons alors que ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ et le ‘Pack’ constituent deux dispositifs de réforme de l’action publique urbaine qui visent à impulser un certain nombre de changements plus qu’ils ne permettent d’en rendre compte (Partie I).

Nous analyserons ensuite la mise en œuvre de ces deux dispositifs. Nous aborderons alors notamment les points suivants : les écarts entre le contenu de récits à la fois descriptifs et performatifs et la « gouvernance » telle qu’elle est mise en œuvre, ainsi que les effets de cette réforme sur la place et le rôle des principaux groupes d’acteurs locaux mobilisés au sein des configurations mouvantes constituées (les élus, les agents communautaires et les représentants des chefs d’entreprise locaux). Nous montrerons que chacun de ces groupes d’acteurs locaux, aux rôles distincts, accroît son emprise sur les politiques économiques locales. C’est ainsi davantage au sein de chacun de ces groupes que se mettent en place de nouvelles répartitions et de nouvelles définitions des capacités d’action publique des acteurs locaux. Nous verrons alors que les politiques économiques de la communauté urbaine se construisent, en effet, depuis les années 1970, sur la base de coopérations étroites avec certains acteurs économiques locaux (Partie II).