Dans un contexte où le terme « gouvernance » est très fréquemment employé sur la scène internationale ainsi que dans les médias nationaux et dans les discours des élus nationaux et locaux, le fait d’ériger ainsi la « gouvernance » en emblème de Lyon peut sembler anodin et, dès lors, passer inaperçu. L’objectif de cette première partie est précisément de questionner ce qui, dès nos premiers contacts avec le terrain, nous a ainsi systématiquement été présenté comme relevant de l’ordre de l’évidence. Se contenter de souligner que les acteurs lyonnais font référence à la « gouvernance » parce que ce terme est à la mode et parce qu’il s’agit, là, du mode de régulation de l’action publique locale fréquemment présenté comme le plus « efficace », nous semble en effet insuffisant pour saisir tous les enjeux des rencontres que nous observions.
Nous cherchons donc ici à comprendre comment certains acteurs lyonnais en viennent à parler de « gouvernance économique métropolitaine » et, surtout, comment ils en viennent à mettre en œuvre des dispositifs présentés comme incarnant cette dernière. Nous allons voir que la participation à des réseaux d’agglomérations au sein desquels des « bonnes pratiques » de l’action publique urbaine sont identifiées et circulent, ainsi que l’évolution des types d’expertises mobilisés pour analyser l’action publique locale, favorisent le choix de cette « gouvernance » comme moyen d’action devant permettre aux villes de répondre à des évolutions institutionnelles liées à la décentralisation ainsi qu’à un sentiment de crise économique qui entraîne une remise en cause des interventions étatiques existantes. La thématique de la « gouvernance économique métropolitaine » sert ainsi à qualifier « un nouveau moyen de gouverner fondé sur une association étroite des acteurs publics et privés dans la construction d’une action publique locale favorisant le développement économique de la métropole lyonnaise » 129 .
Le tout premier objectif de cette partie est donc d’identifier les acteurs qui emploient les termes « gouvernance », « métropole » et « développement économique », ainsi que les périodes et les fréquences auxquelles ils les mobilisent, les sens qu’ils leur prêtent et les raisons pour lesquelles ils les associent. Ce travail d’analyse des usages du terme « gouvernance » articulé à ceux de « métropole » et de « développement économique » permet de situer un moment où émergent des discours sur la « gouvernance économique métropolitaine » à Lyon : la fin des années 1990 130 . Il permet, ainsi, de repérer une transformation de la manière de présenter et/ou de se représenter les moyens d’action publique urbains, en particulier ceux de la communauté urbaine. En revenant sur l’émergence, le contenu et les porteurs de ces discours, nous montrons qu’ils décrivent des permanences et des mutations de l’action publique locale pour mieux les favoriser et les impulser. Les discours sur la « gouvernance économique métropolitaine » tenus par les acteurs lyonnais que nous avons rencontrés, sont en effet traduits en dispositifs de réforme de l’action publique urbaine. Nous nous penchons ensuite précisément sur deux de ces traductions : ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ et le ‘Pack’. En d’autres termes, nous analysons ici l’inscription de la « gouvernance économique métropolitaine » sur l’agenda politique lyonnais 131 comme la genèse d’un projet de réforme de l’action publique urbaine que les dispositifs que nous observons doivent mettre en place. Les acteurs que nous avons rencontrés sur notre terrain de recherche n’emploient pas le terme « réforme » lorsqu’ils parlent de ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ ou du ‘Pack’. Il ne s’agit donc pas d’une expression indigène dont nous discuterions la pertinence, mais d’un terme que nous avons choisi car il nous permet de qualifier les dispositifs étudiés. Nous souhaitons ainsi souligner l’importance de la volonté de changement qui sous-tend ces dispositifs.
Les discours sur la « gouvernance économique métropolitaine », tenus ou repris par les acteurs locaux 132 que nous avons rencontrés, visent à rendre compte des évolutions contemporaines de l’action publique urbaine. Ces dicours sont pris en compte lors de la définition des dispositifs d’action de la communauté urbaine de Lyon 133 . Ils ne peuvent donc pas être uniquement « considérés (…) comme de simples justifications postérieures à l’action ou comme un instrument rhétorique pour voiler l’existence de conflits d’intérêts » 134 . Au contraire, analyser les discours sur l’action publique que les acteurs produisent eux-mêmes, ou qu’ils mobilisent lorsqu’ils s’appuient sur des discours d’experts 135 , permet de commencer à appréhender les permanences et les mutations de leurs pratiques. Certains éléments de description du terrain présentés dans l’introduction générale de ce travail ainsi qu’une part conséquente du matériau recueilli suggèrent, cependant, qu’il existe également des décalages entre les évolutions des moyens d’action intercommunaux telles que les acteurs rencontrés (se) les (re)présentent et telles qu’elles se mettent en place dans la pratique. Les liens entre discours et pratiques autorisent une recherche dont les décalages entre ces mêmes discours et pratiques renforcent finalement l’intérêt. Les discours étudiés ne sont dès lors pas analysés ici pour eux-mêmes, ni comme s’ils permettaient à eux seuls de saisir l’action publique locale observée. La « gouvernance économique métropolitaine » est appréhendée comme un récit de politiques publiques ; à la fois comme une structure cognitive qui guide les actions des acteurs locaux et comme une ressource que ces derniers peuvent mobiliser pour défendre leurs intérêts 136 .
Procéder, comme nous le faisons dans cette première partie, à une mise en perspective historique et sociologique de ces récits ainsi que de leurs traductions progressives en dispositifs d’action permet de ne pas s’enfermer dans une histoire avec ses lieux et ses héros mythifiés mis en scène lors de cérémonies officielles 137 . La mise en perspective socio-historique nous permet d’éviter de naturaliser notre objet pour l’appréhender comme le fruit de pratiques sociales 138 . Les politiques dites de « développement économique » de la communauté urbaine de Lyon sont, certes, aujourd’hui clairement identifiables du fait de la mise en place de dispositifs concrets d’action « économique », de l’existence de lignes budgétaires dédiées à ce domaine et de la présence d’un service rassemblant les « développeurs économiques » de la communauté urbaine, la Direction des affaires économiques et internationales (DAEI). Ces politiques concernent néanmoins un domaine d’action flou, pouvant en théorie au moins aller du soutien financier direct aux entreprises à des campagnes de communication concernant une ville ou un territoire 139 . Dans les années 1990, la communauté urbaine de Lyon traverse ainsi une période importante en termes de catégorisation de ce domaine d’action publique, de définition des instruments, des territoires, des cibles et des contenus de ce type d’interventions 140 . Cette période marque finalement un tournant avec l’émergence d’un service intercommunal (la DAEI) progressivement reconnu comme responsable du « développement économique » des communes membres de la communauté urbaine. Sans nous focaliser uniquement sur les années 1990, nous leur accordons une attention particulière car elles sont une période charnière de l’institutionnalisation de l’action économique de la communauté urbaine de Lyon. Or nous verrons que c’est en premier lieu sur ce domaine d’intervention intercommunal que se focalisent les réformes dites de « gouvernance métropolitaine ». Nous appréhendons cette institutionnalisation à la fois comme un processus d’imprégnation de valeurs et comme un processus d’imprégnation de pratiques routinières ou, en d’autres termes, de rôles endossés par les participants à ces politiques économiques 141 .
Dans le premier chapitre, nous commençons par constater que les références explicites à la « gouvernance économique métropolitaine » demeurent relativement rares à Lyon. Le faible nombre d’occurrences de cette expression est certes, parfois, le signe d’une volonté de distinction entre groupes aux objectifs généraux relativement proches (bien que traduits différemment). Mais il apparaît aussi, de manière plus générale, directement lié au statut que les acteurs locaux accordent à cette thématique. Loin d’être totalement banalisés, les recours à cette dernière sont accompagnés d’un important effort de définition, d’un important investissement de sens. Qu’ils soient chefs d’entreprise ou membres de la communauté urbaine, les acteurs locaux dont nous analysons les mobilisations pour mettre en œuvre des dispositifs de « gouvernance économique métropolitaine » opèrent alors une reformulation et une sélection de « problèmes » anciens. Les récits sur la « gouvernance économique métropolitaine » visent, paradoxalement, tout à la fois à rendre compte d’évolutions qu’ils tentent d’entériner et à faire exister ces évolutions qu’ils décrivent en incitant les acteurs locaux à en prendre acte et à s’y adapter, notamment grâce à leur traduction en dispositifs d’action concrets. La « gouvernance » apparaît ainsi clairement faire elle-même partie des transformations de l’action publique urbaine contemporaine que nous étudions. Ainsi n’y a-t-il plus, à nos yeux : « à regretter que le mot de gouvernance (territoriale) soit ‘passé à l’objet’, c’est-à-dire qu’il soit employé par les acteurs pour les comportements desquels le terme était censé rendre compte. Et plutôt que de se faire les garde-frontières sourcilleux du territoire scientifique, il convient à la place de saisir la gouvernance territoriale sous l’angle des investissements de forme, tant pratiques que savants, dont elle est l’objet » 142 .
Nous allons ainsi montrer que le contexte historique auquel font référence les discours et les dispositifs de réforme est en partie construit par ces acteurs locaux, de manière à souligner leur capacité d’innovation, c’est-à-dire leur capacité à adopter une liste de « bonnes pratiques » qu’ils établissent et qu’ils affichent. Nous analysons ensuite un moment où quelques acteurs lyonnais recourent explicitement au terme « gouvernance » dans le cadre d’un réseau d’agglomérations européennes. L’étude de l’histoire et du fonctionnement de ce réseau nous permet de souligner le caractère tout à la fois exogène (notamment européen) et endogène (lyonnais) de récits qui articulent les termes « gouvernance », « métropole » et « développement économique » 143 . En participant à des échanges entre membres de réseaux d’agglomérations, ils cherchent au contraire activement à identifier puis à mettre en œuvre les « bonnes pratiques » qui leur permettront de gouverner Lyon. La thématique de la « gouvernance » permet à leurs yeux de résumer l’essentiel de ces « bonnes pratiques ». Ainsi les acteurs locaux que nous avons rencontrés n’apparaissent-ils pas passifs ou sans réaction face à des transformations de l’action publique locale aux origines purement exogènes (nationales, européennes ou internationales) 144 .
Dans le deuxième chapitre de cette partie, nous nous penchons sur les fondements de la volonté des acteurs locaux rencontrés de prendre part à de telles politiques de réforme. En d’autres termes, nous cherchons à identifier et à qualifier les différents processus qui les conduisent à développer les principaux éléments de la thématique de la « gouvernance économique métropolitaine » puis à s’engager dans ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ et dans le ‘Pack’. Une série d’injonctions les incitant à coopérer peut être identifiée : l’« impératif métropolitain » 145 fait de cette « gouvernance » le principal mot d’ordre des mobilisations observées dans le cadre de ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ et du ‘Pack’. Les acteurs qui font référence à la « gouvernance métropolitaine », le font en outre avant tout lorsqu’il est question des interventions de la communauté urbaine dans le domaine de l’économie locale. L’impératif métropolitain se fait ainsi également impératif de « gouvernance » et de « développement économique ». Certains élus et agents de la communauté urbaine prennent même finalement la « gouvernance économique métropolitaine » pour label d’action du « Grand Lyon ». Des récits soulignant une évolution des moyens d’action publique locaux, traduits en dispositifs de réforme de l’action publique urbaine, sont ainsi progressivement utilisés pour légitimer de nouvelles interventions communautaires. En recourant à la « gouvernance », ces acteurs locaux cherchent finalement à donner du sens à un échelon d’intervention publique censé agir, sur la base d’une action collective, avant tout en faveur du « développement économique » local. Plus précisément, deux groupes d’acteurs locaux, qui visent à organiser la participation de la « société civile » aux politiques de « développement économique » se mettent en place. Ces groupes tentent de s’imposer comme des configurations d’acteurs pouvant légitimement intervenir dans les politiques économiques locales, catégorie d’action publique qu’ils définissent progressivement. Derrière des propositions de réforme formulées de manière générale, des points de vue divers sur l’action publique locale demeurent malgré tout identifiables. Ces dispositifs de réforme prennent en effet des formes variées selon les groupes qui les portent, comme le soulignent les différences entre ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ et le ‘Pack’. Il s’agit-là de deux traductions concrètes distinctes d’un même impératif métropolitain.
Aux dispositifs que nous étudions est ainsi progressivement assigné un triple rôle de légitimation : des configurations d’acteurs dont ils entraînent la constitution, des politiques économiques intercommunales (de leurs instruments, territoires, cibles et contenus) et, plus généralement, des interventions de la communauté urbaine de Lyon dans l’action publique urbaine.La légitimation est ici entendue comme la capacité de certains acteurs à faire accepter des décisions et des actions qu’ils imposent aux autres 146 . Les acteurs locaux misent sur les effets performatifs 147 de l’outil de légitimation qu’ils construisent. Analyser ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ et le ‘Pack’ au prisme de ce travail de légitimation des configurations d’acteurs qu’ils visent à construire nous permet de ne pas appréhender ces dispositifs de réforme uniquement comme le résultat d’évolutions et de contraintes extérieures qu’ils reflèteraient, mais également comme inscrits dans l’action publique urbaine, c’est-à-dire comme le résultat de jeux institutionnels entre acteurs locaux (que ces derniers soient invités –ou non– à prendre part aux configurations constituées) 148 .
Reformulation synthétique construite sur la base des définitions de la « gouvernance économique métropolitaine » données par les acteurs au cours de nombreux entretiens (notamment « Entretiens avec l’enquêté n°1 » : un agent de la communauté urbaine de Lyon rattaché à la DAEI, chargé de mission « Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise » de 2001 à 2004 et « Entretien avec l’enquêté n°2 » : un agent de la communauté urbaine de Lyon rattaché à la DAEI, chargé de mission « Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise » depuis 2004).
D’après diverses sources (de première et de seconde main) que nous serons ponctuellement amenée à présenter dans cette partie, le cas lyonnais vient alors s’inscrire dans un contexte où les usages des termes « gouvernance », « métropole » et « développement économique » sont de plus en plus fréquents aux niveaux international, national et local. Nous allons voir, néanmoins, que les élus et les agents de la communauté urbaine de Lyon tentent de distinguer leurs modes d’intervention dans l’action publique urbaine de ceux d’autres structures intercommunales, voire d’autres institutions locales en général, en articulant étroitement ces trois termes.
Nous utilisons cette expression dans son acception la plus simple. Il s’agit d’une métaphore pour désigner l’émergence de la « gouvernance économique métropolitaine » comme enjeu porté par une série d’acteurs locaux. Ce « problème » (ou plutôt ici cette « solution ») est donc appréhendé(e) comme un construit social, fruit d’interactions entre élus locaux, agents de la communauté urbaine de Lyon et chefs d’entreprise locaux ainsi que leurs représentants, cf. John KINGDON, Agendas, alternatives and public policies, New-York, Longman, 1995 (1ère édition américaine : 1984) ou encore James DEARING et Everett ROGERS, Agenda-Setting, Londres, Sage, 1996.
Faute de parvenir à préciser et à résumer à quels acteurs locaux nous faisons alors référence par une formulation brève, nous nous contentons pour l’instant de recourir à ce type de formulations génériques, ou encore aux formulations indigènes utilisées par ces acteurs eux-mêmes, pour les caractériser. Nous verrons néanmoins que derrière ces appellations floues, des catégories d’acteurs locaux bien spécifiques sont identifiables (voir Chapitre II et, surtout, Chapitre III).
Dans les archives rassemblées, dans nos notes d’observations et dans nos entretiens retranscrits, les tentatives de définition des caractéristiques de l’action publique urbaine sont fréquentes et servent souvent à introduire la présentation des modes ou plus globalement des moyens d’action sélectionnés dans une logique d’argumentation liminaire justificatrice.
Cf. Yves SUREL, "Approches cognitives", dans Laurie BOUSSAGUET, Sophie JACQUOT et Pauline RAVINET (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, coll. "Gouvernances", 2004, pp.79-85, p.83 et Pierre MULLER, "L'analyse cognitive des politiques publiques : vers une sociologie politique de l'action publique", Revue Française de Science Politique, vol.50, n°2, avril 2000, pp.255-275.
Cf. Jean-Yves TRÉPOS, La sociologie de l'expertise, Paris, PUF, 1996 et Corinne DELMAS, "Pour une définition non positiviste de l'expertise", dans Dominique DAMAMME et Thomas RIBEMONT (dir.), Expertise et engagement politique, Paris, L'Harmattan, coll. "Cahiers politiques", 2001, pp.11-43. Nous considérons l’expertise comme un construit social. Nous verrons en effet que les élus et les agents de la communauté urbaine de Lyon mobilisent successivement et/ou parallèlement des « experts » technocrates, universitaires, ou chefs d’entreprise.
Ou, dans les termes exacts de Claudio RADAELLI : « ideas shaped in policy narratives can both be resources used by entrepreneurial actors and provide the structure within which action is embedded », cf. Claudio RADAELLI, "The power of policy narratives in the European Union : The Case of Tax Policy", dans Andreas BUSCH et Dietmar BRAUN (dir.), Public policy and political ideas, Cheltenham, Edward Elgar, 1999, pp.98-115, p.98.
Telles que les présentations officielles de ‘Grand Lyon, l'esprit d'entreprise’ et du ‘Pack’ décrites dans l’introduction générale de ce travail.
Voir l’introduction générale de ce travail.
Comme nous l’avons évoqué dans l’introduction générale de ce travail, l’étendue de ce domaine d’action est très peu limitée par la loi ATR de 1992 qui interdit en réalité simplement aux communautés urbaines d’offrir un soutien financier direct aux entreprises, ce type de politique pourtant dite « économique » étant considérée comme déjà mis en œuvre par les régions.
Sur l’importance de ce travail de catégorisation progressive de l’action publique et ses différentes dimensions, cf. Vincent DUBOIS, La politique culturelle. Genèse d'une catégorie d'intervention publique, Paris, Belin, coll. "Socio-histoires", 1999.
Les objectifs initiaux d’une institution peuvent ainsi subir des réorientations, cf. Philip SELZNICK, TVA and the grass roots: a study in the sociology of formal organization, Berkeley, University of California Press, 1949 et Jacques LAGROYE, Bastien FRANÇOIS et Frédéric SAWICKI (dir.), Sociologie politique, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, coll. "Amphithéâtre", 2002 (4ème édition).
Cf. Romain PASQUIER, Vincent SIMOULIN et Julien WEISBEIN (dir.), La gouvernance territoriale. Pratiques, discours et théories, Paris, L.G.D.J., coll. "Droit et société", 2007, p.212. Nous employons néanmoins ici l’expression « gouvernement urbain » de manière à distinguer clairement la catégorie indigène que nous étudions, la « gouvernance », de nos analyses. Nous entendons par là « l’espace […] dans lequel s’articulent des réseaux et des configurations de pouvoir qui constituent l’armature du contrôle politique et social des sociétés locales », cf. Bruno DUMONS, Gilles POLLET et Pierre-Yves SAUNIER (dir.), Les élites municipales sous la IIIème République. Les villes du Sud-Est de la France, Paris, CNRS Éditions, coll. "Pour en savoir plus!", 2002, p.6. Ce choix se fonde aussi sur l’idée qu’il n’existe pas d’opposition intrinsèque entre les catégories analytiques de « gouvernement » et de « gouvernance », mais qu’il y a plutôt différentes manières d’appréhender l’action publique qui transcendent l’usage de ces termes.
Nous tenons alors à préciser que notre objectif n’est pas d’identifier les origines de la « gouvernance économique métropolitaine » à Lyon mais simplement d’analyser un moment où cette thématique est abordée par certains acteurs locaux, ce qui nous permet d’identifier certaines caractéristiques des recours à cette thématique par les acteurs lyonnais que nous avons rencontrés.
La perspective microsociologique de ce travail nous permet ainsi d’apporter des éléments de complément à certains travaux sur la « gouvernance urbaine » qui se focalisent (dans une perspective macrosociologique) sur le rôle joué par l’Europe et les États dans les transformations des niveaux locaux de gouvernement, sans parvenir, nous semble-t-il, à analyser le rôle également joué par certains acteurs locaux eux-mêmes dans ces transformations. Cf. notamment BRENNER, New state spaces. Urban Governance and the Rescaling of Statehood, op. cit.Voir l’introduction générale de ce travail.
Par analogie avec l’impératif délibératif analysé par Loïc BLONDIAUX et Yves SINTOMER. Nous proposons d’observer les effets potentiels d’une déclinaison de cet impératif métropolitain dont nous constatons la formation avec l’émergence d’un vocabulaire aux occurrences nombreuses dans les discours des acteurs locaux autour du thème de la métropolisation ainsi qu’avec la mise en place de dispositifs qui visent à améliorer le rayonnement international de l’agglomération grâce à la mobilisation d’acteurs sociaux dits divers, cf. Loïc BLONDIAUX et Yves SINTOMER, "L'impératif délibératif", Politix, vol.15, n°57, juillet 2002, pp.17-35.
Loin d’une lecture normative ou doctrinale (cf. Jacques LAGROYE, "La légitimation", dans Madeleine GRAWITZ et Jean LECA (dir.), Traité de science politique (Tome 1), Paris, PUF, 1983, pp.395-468), c’est la légitimation comme processus sociologique qui nous intéresse.
La « gouvernance économique métropolitaine » est un énoncé formulé par des acteurs locaux qui le considèrent comme performatif : comme un énoncé qui réalise en lui-même l’acte qu’il désigne. Nous discutons ce caractère performatif de la « gouvernance économique métropolitaine » ou, en d’autres termes, la capacité de ces discours à produire des actes. Cette capacité a été mise en lumière par John AUSTIN dans une étude de discours politiques performatifs tels que le « Je vous marie » du maire, cf. John AUSTIN, Quand dire, c'est faire, Paris, Seuil, coll. "Essais", 1970 (1ère édition anglaise : 1962, Oxford University Press). Néanmoins, par-delà la validation ou non de ce caractère performatif, ce qui nous intéresse ici est surtout le fait que les acteurs lyonnais y croient et que leur croyance peut avoir des conséquences, positives ou négatives, sur l’action publique concrète qu’ils décrivent et mettent en scène.
Jeux institutionnels dont le travail de Philippe BEZES souligne l’importance pour comprendre des processus de réforme et rendre compte de leur caractère historiquement et sociologiquement situé, cf. Philippe BEZES, Gouverner l'Administration : une sociologie des politiques de la réforme administrative en France (1962-1997), Thèse de science politique, Paris, Institut d'Études Politiques de Paris, janvier 2002, p.7.