Chapitre I. Des acteurs locaux en quête de « bonnes pratiques » pour gouverner Lyon

Les discours sur la « gouvernance » permettent aux acteurs locaux de souligner les problèmes qu’ils pensent devoir résoudre pour améliorer l’action publique urbaine. Ceux qui les tiennent visent à rendre compte de la nécessité et de leur capacité d’adaptation au contexte dans lequel se déploie désormais cette action publique. La crise économique et la multiplication des acteurs 149 ont ainsi progressivement été identifiées comme des problèmes urbains majeurs dont la résolution passerait nécessairement par l’articulation de la « gouvernance », présentée comme une opposition aux modes d’action de l’État central, et de la « métropolisation », présentée, elle, comme une adaptation à une situation de compétition nationale, européenne voire internationale entre agglomérations. La « gouvernance économique métropolitaine » caractérise alors un mode de régulation de l’action publique « stratégique » fondé sur un souci de « mise en cohérence » des actions des acteurs locaux :

‘« La démarche SDE s’enracine dans une prise de conscience […] de la nécessité de mettre en cohérence leurs actions pour élaborer une stratégie globale et durable de développement. Elle s’inscrit dans la continuité d’une culture stratégique initiée avec Lyon 2010 et dans un processus de gouvernance engagé par le Grand Lyon depuis plusieurs années, notamment à travers la démarche Millénaire 3 » 150 .’

Bien que fréquemment constatés 151 , les usages de plus en plus nombreux du terme « gouvernance » par les acteurs de l’action publique locale (notamment depuis le début des années 1990), ont été l’objet de très peu de travaux 152 .En outre, ces quelques travaux postulent l’existence de canaux de diffusion de ce terme, plus qu’ils n’en étudient la circulation en identifiant ses passeurs. En effet, dans la perspective hiérarchique allant du niveau international au niveau local qui nous semble être celle de ces travaux, noter l’usage de ce terme par une institution internationale suffit à affirmer l’origine et le sens de diffusion de ce dernier. Ces travaux ne s’appuient d’ailleurs pas sur un terrain explicitement présenté mais plutôt sur une accumulation un peu aléatoire de traces diverses de recours au terme « gouvernance » 153 dans des discours d’acteurs des relations internationales, du monde de l’entreprise, de l’action publique nationale et locale françaises ou encore de la recherche en sciences sociales. Cet ensemble de traces hétéroclites tend finalement, a contrario de l’objectif que leurs auteurs fixent à ces travaux, à accréditer la thèse d’une autodiffusion du récit de la « gouvernance » sans que ses porteurs (leurs représentations, leurs intérêts ou encore leurs trajectoires) soient clairement identifiés. D’autres travaux, portant plus généralement sur les cadres cognitifs de l’action publique locale et leurs évolutions, questionnent l’émergence de la « gouvernance » comme nouvelle manière de penser l’action publique urbaine 154 . Néanmoins, ils sont majoritairement menés dans une perspective macrosociologique et mettent avant tout en lumière le rôle de certaines instances internationales, de l’Europe et des États dans l’évolution de ce cadre cognitif de l’action publique locale 155 . Là encore, une perspective hiérarchique souvent a priori et implicite ne permet pas aux auteurs de discuter le –ou les– sens de circulation des normes de l’action publique locale. Le matériau de seconde main mobilisé dans ces travaux macrosociologiques concerne en effet avant tout les instances internationales, l’Europe et les États. Ce matériau ne permet donc pas de prendre en compte le rôle des acteurs locaux dans l’évolution de leurs propres normes d’action publique.

Les travaux concernant l’émergence du terme « gouvernance » ont malgré tout permis de souligner le don d’ubiquité historique, géographique et sociale dont sont dotés les récits sur l’action publique que ce terme véhicule 156 . Ils ont, surtout, souligné l’importance d’un contexte international qui s’avère primordial pour saisir les fondements de cette ubiquité, en apparence au moins, totale. À la fin des années 1980, c’est ainsi la Banque Mondiale qui, la première, (ré)emploie ce terme (en réalité ancien, cf. Infra). Son objectif est alors d’identifier les variables permettant d’expliquer « la plus ou moins grande réussite des plans d'ajustement structurel qu'elle met en œuvre. Pour la Banque Mondiale, la ‘gouvernance’ recouvre les normes, traditions et institutions à travers lesquelles un pays exerce son autorité sur le bien commun » 157 . Vue par cette institution, la « gouvernance » est l'art de gouverner pour obtenir un développement économique, social et institutionnel soutenu. Cette définition générale est appliquée avant tout pour améliorer le fonctionnement des marchés économiques des pays dont la Banque Mondiale accepte de soutenir le développement dans un contexte de compétition internationale 158 . Elle se focalise en quelques années sur des critères de mise en place de relations, d’agendas communs et de financements croisés entre acteurs publics et privés. La « bonne gouvernance » devient étroitement liée à la « gouvernance ». Les acteurs de la Banque Mondiale construisent « un outil idéologique pour une politique de l’ É tat minimum » 159 qu’ils tentent de diffuser 160 . Depuis les années 1990, de nombreux auteurs notent effectivement des recours à ce terme de plus en plus fréquents dans les domaines de l’action publique nationale et locale 161 . Il « fait aujourd’hui partie des références préférées de nos principaux responsables politiques. (…) Dans le monde entier, [il] est devenu un mot-valise, employé à tout propos par les pouvoirs économiques et sociaux, sans oublier les médias. Chacun s’en empare, le premier si possible parmi ses pairs, parfois pour en préciser le sens, mais le plus souvent pour jouer de ses ambiguïtés évidentes » 162 .

L’Union Européenne peut elle aussi, à première vue, sembler imposer aux acteurs locaux un recours au terme « gouvernance » ainsi qu’une réflexion autour des problématiques qu’il soulève, notamment par le biais de la production de nombreux discours et rapports sur la « gouvernance » vers laquelle les États et les collectivités locales devraient tendre 163 . Dans cette perspective, l’Union Européenne semble alors jouer un rôle de relais des institutions internationales ayant elles-mêmes recouru au terme « gouvernance » et produit des discours et des rapports sur ce thème de manière antérieure. De fait, à l’image de la Banque Mondiale, la Commission Européenne a tout d’abord recours à la « gouvernance » pour définir les conditions fondamentales à l’obtention d’aides financières par les pays en voie de développement. Malgré un positionnement officiel distinct de celui de la Banque Mondiale 164 , la « bonne gouvernance » que les pays en voie de développement doivent mettre en place afin d’obtenir des aides de l’Union Européenne est déclinée en critères tels que l’absence de corruption, la participation des citoyens à la vie politique et la transparence du fonctionnement des institutions publiques. Ce dernier critère rappelle bien l’attachement de la Banque Mondiale à la notion de transparence des services publics devant avant tout assurer le développement d’économies respectant et assurant la liberté des marchés 165 .

Certains discours d’acteurs locaux tendent, enfin, à accréditer la validité de cette perspective hiérarchique dans l’appréhension des recours généralisés au terme « gouvernance » pour qualifier l’action publique locale telle qu’elle est aujourd’hui mise en œuvre. D’après certains acteurs locaux, dans le contexte actuel de mondialisation des échanges, des structures internationales, européennes, voire nationales, fixent les conditions et les moyens de l’action publique locale. Le modèle dit de la « régulation croisée », qui a mis en lumière la capacité des acteurs locaux à trouver un « autre » responsable pour assumer leurs choix 166 , est alors éclairant. Dans les années 1960, cet « autre » désigné était l’État 167 . Dans les années 1990, dans le domaine d’action publique ici étudié (à savoir le domaine économique), cet « autre » désigné est devenu la globalisation économique avec des acteurs tels que les multinationales, le FMI, la Banque Mondiale, la Banque Centrale Européenne ou encore la Commission Européenne, voire les États. Il est néanmoins délicat de prendre au mot ces discours dans lesquels des acteurs locaux se disent placés dans une position d’infériorité hiérarchique impliquant une passivité forcée. D’ailleurs d’autres acteurs locaux (voire parfois les mêmes) affirment également leur capacité d’autonomie et leur capacité à définir par eux-mêmes les conditions et les moyens de l’action publique urbaine. La citation qui suit illustre bien cette ambiguïté du regard parfois porté par les acteurs locaux sur leurs propres capacités d’action. Placés dans un contexte de mondialisation, ils seraient forcés d’accepter une compétition entre villes qui déterminerait en grande partie leurs actions mais leur accorderait aussi une place centrale dans l’architecture des institutions publiques.

‘« [La] notion de performance rend […] compte d’un fait que l’on ne peut esquiver : la concurrence toujours plus exacerbée que se livrent les villes et territoires à l’échelle européenne et mondiale pour attirer (et retenir) les entreprises, les emplois, les talents, les actifs, les investisseurs. Après avoir longtemps été une compétition entre les États-nations qui cherchaient à s’imposer par la puissance politique, militaire et économique, il s’agit aujourd’hui d’une compétition qui se joue essentiellement entre les villes. […] Les villes sont redevenues la richesse des nations et l’épicentre de ‘l’économie monde’ selon l’expression de Fernand Braudel. […] Les villes sont donc au cœur des principaux défis. Défis qui dépassent de loin les champs de compétences des maires ou des Présidents de Communautés urbaines que nous sommes. Aucune collectivité n’est en capacité d’y faire face seule. Et ce d’autant plus qu’elles n’ont pas les leviers suffisants pour mener une politique d’ensemble mettant en cohérence développement économique, social, urbain et qualité de vie. Dans le même temps nos concitoyens nous somment, nous, maires et Présidents de Communautés urbaines, d’être responsables. […] Responsables de répondre en lieu et place d’un Etat qui peine de plus en plus à apporter des solutions pertinentes et adéquates » 168 .’

Tantôt les acteurs locaux se déresponsabilisent en soulignant le caractère prédéterminé de leurs actions (ou, dans ce cas précis, plutôt de leur incapacité d’action). Tantôt ils cherchent, au contraire, à affirmer leur autonomie, voire leur place centrale dans les processus décisionnels publics. La citation qui suit suggère même que certains acteurs locaux ont conscience des ambiguïtés des discours qu’ils tiennent concernant leurs propres capacités d’action :

‘« Ce qu’il faut bien avoir en tête quand on cherche à comprendre pourquoi la communauté urbaine de Lyon s’intéresse autant à la gouvernance, c’est que derrière cet intérêt, on a la logique suivante :… Enfin, disons… Une logique qui peut être tout simplement résumée par le titre d’un ouvrage connu : ‘Ces événements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs’ ! [Rire] Il y a la globalisation économique, les décisions des instances internationales, de l’Europe, voire de l’État… Alors il ne nous reste pas beaucoup de marges de manœuvre après tout ça ! [Rire] Non mais, sérieusement, quelque part c’est un peu ça : la gouvernance nous permet de nous montrer actifs dans des domaines que l’on sait bien, dans le fond, ne pas maîtriser, et dont on est bien content parfois de rappeler qu’on ne les maîtrise pas, d’ailleurs… que ce n’est pas au niveau local que ça se joue ! Et finalement, non seulement la gouvernance nous permet de nous montrer actifs, mais par les partenariats qu’elle engendre, elle nous fait aussi prendre conscience de marges de manœuvre dont nous disposons en réalité et que nous ne soupçonnions pas au départ » 169 .’

L’idée qu’il existe des relations hiérarchiques entre institutions internationales, européennes, nationales et locales est parfois instrumentalisée par des acteurs publics locaux qui tentent avant tout de se faire reconnaître comme des acteurs de l’action publique à part entière, voire comme des acteurs centraux de l’action publique.

Malgré l’importance du contexte général dans lequel nous observons une augmentation des recours au terme « gouvernance » par certains acteurs locaux lyonnais, des éléments permettant comprendre pourquoi et comment les ces derniers opèrent de tels recourent nous semblent ainsi échapper aux travaux menés dans une perspective hiérarchique. Concrètement, il est en effet difficile de mesurer l’impact (en fin de compte plus supposé que démontrable) de discours et de publications, aussi nombreux soient-ils d’ailleurs, sur le vocabulaire employé par les acteurs locaux, leurs manières de penser l’action publique locale et, enfin, sur leurs manières de réformer cette dernière. En outre, dans nos sources, nous n’avons trouvé aucune référence à des discours ou à des rapports sur la « gouvernance » produits par des institutions internationales et européennes 170 . Nous n’avons pas non plus noté de mention d’acteurs internationaux ou européens identifiés par les acteurs locaux comme des passeurs de ce terme. Il faut donc quitter cette perspective pour prendre la mesure du travail, réalisé par des acteurs locaux en interaction avec les acteurs nationaux, européens, voire internationaux, pour définir et réformer l’action publique locale. Sauf à considérer que la « gouvernance » est simplement un récit universel qui s’autodiffuserait par lui-même, la question du rôle des acteurs locaux (en interaction avec les institutions nationales, européennes et internationales), dans la circulation de la notion de « gouvernance », reste entière. En d’autres termes, sauf à considérer la « gouvernance » comme une croyance universelle dont les porteurs ne seraient pas identifiables 171 , la question du contexte et de la nature des interactions entre les institutions internationales, l’Europe, les États et, surtout, les acteurs locaux reste entière en ce qui concerne la circulation de la notion de « gouvernance », l’évolution –ou non– des cadres cognitifs de l’action publique locale que celle-ci implique et le type de dispositifs de réforme dont elle entraîne la mise en place –ou non 172 . L’existence de relations anciennes entre agglomérations européennes suggère que certains acteurs locaux peuvent être régulièrement eux-mêmes en quête de « gouvernance » 173 . Ils se rencontrent en effet dans des réseaux nationaux, européens, voire internationaux d’acteurs locaux pour définir de « bonnes pratiques » qu’ils tentent de mettre en œuvre pour réformer leurs moyens d’action et qui, contrairement à ce que l’existence de certains discours et rapports prescriptifs peut inciter à penser à première vue, ne leur sont pas imposées par l’État, l’Europe ou certaines instances internationales via des relations de nature hiérarchique.

En 2001, la Commission Européenne édite ainsi un « livre blanc sur la gouvernance européenne » 174 et fait surtout de la « gouvernance » l’un des axes de ses 5ème et 6ème programmes-cadres de recherche et de développement technologique (PCRD) 175 . Néanmoins, l’analyse de la réaction des acteurs lyonnais face à ce 5ème PCRD et à son axe sur la « gouvernance », indique que les recours à ce terme par certains acteurs locaux sont le fruit d’interactions nombreuses et anciennes entre agglomérations ainsi qu’entre agglomérations et institutions de l’Union Européenne 176 . La mise en place du programme INTERACT précisément financé dans le cadre de ce PCRD, sans représenter le point d’origine des recours à la « gouvernance » par des acteurs lyonnais, donne même à voir des acteurs locaux s’appropriant ce récit qu’ils participent à construire. Cette mise en place constitue ainsi un moment propice pour commencer à saisir comment et pourquoi les acteurs locaux recourent à ce terme.

Nous étudions d’abord l’emploi lié des termes « gouvernance », « métropole » et « développement économique » par certains acteurs lyonnais, de manière à définir à partir de quand ces termes apparaissent et dans quel contexte les dispositifs étudiés sont lancés (voir section I). Notre analyse de l’émergence de la « gouvernance économique métropolitaine » comme enjeu et comme projet de réforme à Lyon, se poursuit ensuite par un retour sur la mise en place, le déroulement et le fonctionnement du programme INTERACT. Ce retour nous permet d’identifier quel rôle les acteurs locaux (ici notamment en interaction avec les institutions européennes) peuvent jouer dans la définition et la transformation de leurs propres cadres cognitifs et de leurs propres pratiques (voir section II).

Nous faisons, ainsi, dans un premier temps, un détour historique puis, dans un deuxième temps, un détour via une scène où des acteurs locaux construisent la « gouvernance économique métropolitaine ». Il s’agit là de deux manières complémentaires d’analyser le travail de recherche de « bonnes pratiques » pour gouverner Lyon dans lequel les acteurs lyonnais se lancent progressivement.

Notes
149.

Thèmes mentionnés au cours des nombreuses réflexions ayant précédé toutes ces réformes concernant la « métropolisation » de Lyon, dont nous avons trouvé des traces au début des années 1990. Les réflexions qui conduisent à la création d’une mission économique portent alors précisément sur ces thèmes : ACU 1313 W 001, carton intitulé : Démarche de modernisation Michel Noir 1989, ACU 1313 W OO2, carton intitulé : Démarche de modernisation Michel Noir 1989, et ACU 1313 W 004, carton intitulé : Plan d’actions de progrès 1990.

150.

« Le SDE. Un projet économique pour l’agglomération lyonnaise », Document produit par l’agence d’urbanisme, Janvier 2002, p.3. Sur l’articulation des thématiques de « métropolisation » (et donc de rayonnement international de la « métropole ») et de « gouvernance » progressivement opérée par des groupes d’acteurs locaux distincts, voir Chapitre II.

151.

Cf. "Décider, gérer, réformer. Les voies de la gouvernance", Sciences Humaines, n°44, mars-avril-mai 2004, "La gouvernance : une approche transdisciplinaire", "30 ans : anciens débats, nouvelles questions", "Gouvernances", Les Annales de la Recherche Urbaine, n°80/81, décembre 1998, "La gouvernance" ou encore certains manuels récents tels que : Jean-Pierre GAUDIN, L'action publique. Sociologie et politique, Paris, Presses de Sciences Po/Dalloz, coll. "Amphithéâtre", 2004, LAGROYE, FRANÇOIS et SAWICKI (dir.), Sociologie politique et Gilles MASSARDIER, Politiques et action publiques, Paris, Armand Colin, coll. "U", 2003.

152.

Nous avons pu identifier un ouvrage et un article directement consacrés à cette question : cf. GAUDIN, Pourquoi la gouvernance ?, op. cit. et Vincent SIMOULIN, "La gouvernance et l'action publique : le succès d'une forme simmélienne", Droit et Société, n°54, 2003, pp.307-328. L’objectif de ces deux auteurs n’est néanmoins pas uniquement d’étudier les recours au terme « gouvernance » par les acteurs locaux mais aussi par les acteurs nationaux et internationaux.

153.

À l’exception d’une recherche menée par Nicolas GUILHOT (cf. Nicolas GUILHOT, "Les professionnels de la démocratie. Logiques militantes et logiques savantes dans le nouvel internationalisme américain", Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°139, 2001, pp.53-65). Celle-ci porte, néanmoins, uniquement sur la circulation du terme « gouvernance » au sein de certaines instances internationales telles que la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International et certaines Organisations Non Gouvernementales.

154.

Nous pensons alors avant tout aux recherches de Neil BRENNER et aux nombreux travaux sur lesquels ce dernier s’appuie, cf. BRENNER, New state spaces. Urban Governance and the Rescaling of Statehood, op. cit.

155.

Nous pouvons alors également faire référence aux travaux de Bob JESSOP, cf. notamment : JESSOP, "L'essor de la gouvernance et ses risques d'échec : le cas du développement économique", op. cit.

156.

Notons au passage que le même type de remarque a pu être formulé en ce qui concerne le terme « métropole », cf. Franck BACHELET, "La gouvernance locale entre théories et pratiques", dans Bernard DOLEZ et Didier PARIS (dir.), Métropoles en construction, Paris, L'Harmattan, coll. "Logiques politiques", 2004, pp.55-69.

157.

« Governance and Development », Rapport de la Banque Mondiale, Washington DC, 1992.

158.

Des travaux de recherche ont montré que, dans la pratique, au cours des années 1990, la Banque Mondiale s’appuie sur une acception de la « gouvernance » nourrie par la théorie du Public Choice dont l’objectif est de formaliser l’efficacité d’une action publique qui doit assurer les conditions nécessaires pour que fonctionne la libre concurrence. Si la doctrine de la « bonne gouvernance » qui émerge ainsi réintroduit l’État, elle le fait dans le cadre conceptuel de l’analyse néo-classique en insistant sur la recherche de rationalité instrumentale et d’efficacité économique, cf. Richard BANÉGAS, "La démocratie est-elle un produit d'importation en Afrique ?", dans Christophe JAFFRELOT (dir.), Démocraties d'ailleurs, Paris, Karthala, 2000, pp.509-541, Catherine BARON, "La gouvernance : débats autour d'un concept polysémique", Droit et Société, n°54, 2003, pp.329-352 et Sophie MAPPA (dir.), Développer par la démocratie ? Injonctions occidentales et exigences planétaires, Paris, Karthala, 1995.

159.

Cf. Marie-Claude SMOUTS, "Du bon usage de la gouvernance en relations internationales", Revue internationale des sciences sociales, n°155, mars 1998, pp.85-94.

160.

Cf. GUILHOT, "Les professionnels de la démocratie. Logiques militantes et logiques savantes dans le nouvel internationalisme américain", op. cit.

161.

Plus précisément : « On peut donc distinguer chronologiquement une période de gestation (1976-1983) durant laquelle un terme relativement banal est repris dans quelques rapports et articles isolés, une période de spécification et d’extension de ce terme (1984-1993), et une période de diffusion exponentielle (1994-2001) durant laquelle il a conquis l’ensemble du domaine de l’action publique. C’est durant cette troisième période que sa visibilité s’est spectaculairement accrue et qu’il a été massivement repris (…) Bien que le recul soit encore insuffisant, les données dont nous disposons indiquent que cette progression s’arrête en 2000, date à partir de laquelle l’utilisation du mot recule légèrement », SIMOULIN, "La gouvernance et l'action publique : le succès d'une forme simmélienne", op. cit., p.313.

162.

Cf. GAUDIN, Pourquoi la gouvernance ?, op. cit., pp.9/10.

163.

Pour ne donner qu’un exemple, nous pouvons mentionner le « Livre blanc sur la Gouvernance européenne »publié en 2001 (voir Infra).

164.

C’est-à-dire malgré une codification plus avancée de la conditionnalité de l’aide financière internationale européenne, malgré une orientation plus politique et moins économique de ces critères de conditionnalité et malgré un positionnement général officiel qui se veut distinct de celui de cette institution internationale (cf. Candie CASSABALLIAN, Catherine HILTZER et Yann SANTIN, "La conditionnalité de l'aide internationale : cas du Togo et du Niger", Rapport pour le CCFD, 2001, MAPPA (dir.), Développer par la démocratie ? Injonctions occidentales et exigences planétaires, op. cit. et BANÉGAS, "La démocratie est-elle un produit d'importation en Afrique ?", op. cit.).

165.

Cf. Ibid.

166.

Cf. Michel CROZIER et Jean-Claude THOENIG, "La régulation des systèmes organisés complexes", Revue Française de Sociologie, vol.16, n°1, 1975, pp.3-32.

167.

Cf. Ibid.

168.

Intervention de Gérard Collomb, vendredi 20 octobre 2006, 34èmes journées des Communautés urbaines de France, Lyon, Cité Internationale.

169.

Discussions avec l’enquêté n°4 : un agent de la communauté urbaine de Lyon rattaché à la DPSA, chargé de mission « INTERACT » de 2001 à 2004. Dans cette citation, il est fait référence à l’ouvrage suivant : François ASCHER, Ces événements nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs. Essai sur la société contemporaine, Paris, Éditions de l'Aube, 2001.

170.

Nous consacrons également une partie de ce premier chapitre à l’identification de la (ou des) manière(s) dont les recours au terme « gouvernance » au niveau national interfèrent avec ceux des acteurs locaux lyonnais. Là encore, une série de rapports et de discours sur la « gouvernance » ont été produits au niveau national. La France, à l’image de l’Europe, s’est lancée dans un jeu de positionnements distincts de ceux de la Banque Mondiale. Ses positionnements respecteraient néanmoins eux aussi in fine les principales orientations générales fixées par cette institution économique internationale (cf. CASSABALLIAN, HILTZER et SANTIN, "La conditionnalité de l'aide internationale : cas du Togo et du Niger", op. cit. et MAPPA (dir.), Développer par la démocratie ? Injonctions occidentales et exigences planétaires, op. cit.). Tout comme aux niveaux international et européen, il est malgré tout très délicat d’identifier les éventuels canaux de diffusion empruntés par le terme « gouvernance » suite à ces nombreux rapports et discours. Nous pouvons certes mentionner la publication, par le Conseil d’analyse économique, d’un ouvrage tiré d’un colloque organisé avec la Banque Mondiale portant sur la « gouvernance », l’équité et les marchés globaux et dirigé par Joseph STIGLITZ et Pierre-Alain MUET, proche de Lionel Jospin, membre de son gouvernement avant 2001, spécialiste de macro-économie et, surtout, nommé vice-président au développement économique de la communauté urbaine de Lyon par Gérard Collomb (Governance, Equity and Global Markets. The Annual Bank Conference on Development Economics-Europe, Oxford, Oxford University Press, 2001). Pierre-Alain Muet est, néanmoins, un élu réputé « parachuté » et, surtout, peu investi au sein de la communauté urbaine. Si sa présence à Lyon peut laisser penser qu’il existe des vecteurs de transmission directe entre des discours nationaux (et internationaux dans le cas de l’ouvrage que nous venons de mentionner) et certains acteurs locaux, aucun des acteurs lyonnais rencontrés en entretien n’a fait référence à un éventuel discours de Pierre-Alain Muet concernant la « gouvernance », ni à l’ouvrage qu’il a codirigé.

171.

Se contenter de souligner que la « gouvernance » est une croyance partagée par tous car ce récit fait écho à des référents universels précisément partagés par tous, interdit de questionner les raisons qui amènent certains groupes d’acteurs à y croire et les raisons pour lesquelles ils choisissent de s’engager dans des dispositifs de réforme de l’action publique locale précisément dits de « gouvernance » (cf. Philippe BEZES, "Les hauts fonctionnaires croient-ils à leurs mythes ? L'apport des approches cognitives à l'analyse des engagements dans les politiques de réforme de l'État. Quelques exemples français (1988-1997)", Revue Française de Science Politique, vol.50, n°2, 2000, pp.307-332).

172.

La question de l’autonomie du « local », bien que ce dernier terme ne nous paraisse pas clairement défini en science politique, est ici posée. Elle est néanmoins davantage posée en termes de capacité des acteurs locaux à se mobiliser et à intervenir dans les politiques publiques étudiées par rapport à l’ensemble des niveaux national, européen et international de régulation sociale, politique et économique que par rapport au seul niveau national ou « central » de gouvernement qui intéressait Pierre GRÉMION, cf. GRÉMION, Le pouvoir périphérique. Bureaucrates et notables dans le système politique français, op. cit. Notre travail est à ce titre plus proche du travail de thèse réalisé par Olivier BORRAZ, cf. BORRAZ, Gouverner une ville. Besançon 1959-1989, op. cit.Par action publique « locale », nous entendons l’ensemble des interventions publiques portées par des acteurs lyonnais (même si leur mise en oeuvre se fait souvent en collaboration avec des acteurs nationaux, voire européens), c’est-à-dire ici avant tout des actions portées par les collectivités locales, les services déconcentrés de l’État et les milieux économiques lyonnais.

173.

Cf. Gilles PINSON et Antoine VION, "L'internationalisation des villes comme objet d'expertise", Pôle Sud, n°13, novembre 2000, pp.85-102, ou encore : Pierre-Yves SAUNIER, "Sketches from the Urban International. Voluntary societies, international organisations and US foundations at the city's bedside 1900-1960", International Journal for Urban and Regional Research, vol. 25 (2), juin 2001, pp.380-403.

174.

Bernard CASSEN, « Le piège de la gouvernance », Le Monde Diplomatique, juin 2001, p.28. « Ce document contient une série de recommandations sur les moyens de renforcer la démocratie en Europe et d’accroître la légitimité des institutions. Les recommandations principales sont basées sur douze rapports, deux études et des consultations d’acteurs européens, nationaux ou régionaux, des universitaires et des citoyens européens » (présentation officielle tirée du site : http://ec.europa.eu/governance/white_paper/index_fr.htm).

175.

Cf. SIMOULIN, "La gouvernance et l'action publique : le succès d'une forme simmélienne", op. cit., p.308.

176.

Interactions qui peuvent en partie expliquer les échos que nous avons identifiés ponctuellement entre les définitions de la « gouvernance » données par les acteurs au niveau international que l’Europe véhiculerait en grande partie (cf. GAUDIN, Pourquoi la gouvernance ?, op. cit., SIMOULIN, "La gouvernance et l'action publique : le succès d'une forme simmélienne", op. cit. et BANÉGAS, "La démocratie est-elle un produit d'importation en Afrique ?", op. cit.), et celles données par les acteurs lyonnais que nous avons rencontrés.