Par-delà les évolutions du marché, le « développement » d’une agglomération est aussi le fruit d’une histoire, notamment celle des représentations et des actions des différents groupes sociaux qui la constituent 261 . À ce titre, un élément de contextualisation s’avère important dans le cas de Lyon : historiquement, l’État y a été peu présent et notamment peu investi dans le domaine économique 262 , même s’il ne s’est en réalité pas totalement « désintéressé [du] développement économique [de Lyon] en considérant que la ville s’auto-suffisait » 263 et même si ses interventions sont allées croissantes 264 . Les initiatives des acteurs locaux en faveur du « développement » local sont en revanche anciennes 265 . La mobilisation d’acteurs lyonnais dans une série de dispositifs dits de « gouvernance économique métropolitaine » que nous observons, est directement liée à l’histoire de cette agglomération dont les acteurs (notamment les chefs d’entreprise) se sont montrés pro-actifs. L’investissement ancien de nombreux acteurs lyonnais en faveur du « développement économique » de leur agglomération engendre en effet une situation de concurrence entre eux en termes de répartition des compétences, de reconnaissance des capacités de représentation de chacun et d’attribution des moyens notamment financiers offerts par l’État. Le poids de cette concurrence revient fréquemment dans les discours visant à décrire l’action publique contemporaine tenus aussi bien par les chefs d’entreprise et leurs représentants que par les élus et les agents des collectivités locales et des services déconcentrés de l’État 266 .
Cf. LE GALÈS, Politique urbaine et développement local, Une comparaison franco-britannique, op. cit., notamment p.96, Marcel RONCAYOLO, La ville et ses territoires, Paris, Gallimard, 1990 et, pour une référence anglo-saxonne, David HARVEY, The urbanization of capital, Oxford, Basil Blackwell, 1985.
Contrairement à Marseille et Saint-Étienne, par exemple, où ont été mis en place des établissements publics d’aménagement. Sur ce thème, cf. Fernand BRAUDEL, L'identité de la France (Tome III), Paris, Arthaud-Flammarion, 1986, qui lie notamment la thèse d’un faible investissement de l’État à Lyon aux relations conflictuelles entre Paris et Lyon (qui aurait pu prétendre au statut de capitale). Pour un travail de recherche plus récent, cf. LINOSSIER, La territorialisation de la régulation économique dans l'agglomération lyonnaise (1950-2005). Politiques, acteurs, territoires, op. cit. De nombreux acteurs rencontrés en entretien ont, en outre, souligné cette « spécificité » lyonnaise.
Cf. BARDET et JOUVE, "Entreprise politique et territoire à Lyon", op. cit., p.45.
Cf. notamment Jacques BONNET, Lyon place tertiaire. Contribution à une géographie des affaires, Thèse de géographie, Lille, Université Lille III,1982.
Tout comme les processus de concertation, voire de coopération, entre les élus locaux, les agents des collectivités locales et des institutions déconcentrées ainsi que les représentants de la population locale (notamment les représentants des travailleurs et des patrons, sont loin d’être « nouveaux », voir Infra).
Entretiens avec l’enquêté n°9 : un agent de la CCIL, directeur du service économique, Entretiens avec l’enquêté n°21 : un agent de la communauté urbaine de Lyon rattaché à la DPSA, directeur adjoint depuis 2004, Entretien avec l’enquêté n°54 : le directeur du service économique de la commune de Caluire et Entretien avec l’enquêté n°17 : un agent de la Région Rhône-Alpes, directeur du département technologie et innovation depuis le milieu des années 1990.