2/ La transformation d’un outil d’analyse en outil de réforme

Dans le cadre du réseau d’agglomérations européennes INTERACT, au sein duquel « scientifiques » et « opérationnels » collaborent, l’objectif final est de définir un ensemble de « bonnes » pratiques de « gouvernance » et de les faire figurer dans un instrument (manuel et cd rom) d’aide à la prise de décision ⁴¹² . Notre attention s’est rapidement portée sur les ambiguïtés du positionnement du terme « gouvernance » à la frontière entre action, recherche et conseil ainsi que sur les difficultés rencontrées par les chercheurs investis dans ce type de réseau européen pour démêler les sens de ce terme et le libérer de sous-entendus idéologiques et parfois contradictoires. Nous proposons d’analyser ainsi la place délicate des chercheurs au sein d’INTERACT, car « s’il convient de se demander comment les instruments de connaissance du politique se nourrissent de la vie politique et des aspirations de transformations politiques et sociales, il faut également, en retour, s’interroger sur l’usage des instruments ainsi forgés et sur leur légitimité dans le champ politique » ⁴¹³ . Pour cela, il faut « se confronter pleinement à l’entremêlement du cognitif et du normatif » en allant « explorer des moments au cours desquels ont pu émerger et s’organiser des manières de penser et d’organiser la vie politique » ⁴¹⁴ .

Les glissements entre discours « scientifiques » et discours « opérationnels » sont fréquents au sein d’INTERACT. Placés dans une position délicate, des chercheurs servent alors de caution scientifique à un récit normatif et prescriptif concernant l’action publique locale.