3/ Variations sur le thème du rayonnement international

‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ et le ‘Pack’ nereprésentent pas l’ensemble des actions menées par la DAEI 655 . Néanmoins, ils illustrent les principaux objectifs que ce service tente d’atteindre de manière simultanée.

À Lyon comme dans le reste des agglomérations françaises, « la politique de développement économique n’est qu’un aspect des politiques urbaines. Si l’économie était le grand oublié des politiques urbaines pendant les trente glorieuses, l’accent mis sur le développement économique a pareillement permis d’oublier les autres dimensions des politiques urbaines. En temps de crise, crise économique et crise de l’État, la priorité a été donnée à l’économie et à un acteur réhabilité, l’entreprise. (…) En France, au milieu des années 1970, les interventions économiques célèbres des municipalités dans le champ de l’économie étaient des interventions directes dans le cadre de luttes sociales pour éviter la fermeture de telle ou telle entreprise, par exemple Lip à Besançon, Manufrance à Saint-Étienne. Cette version a complètement disparu du débat. L’intervention économique des communes a été soigneusement encadrée par les lois de décentralisation et un consensus s’est établi autour du contenu des actions et des politiques de développement économique local, consensus autour du soutien aux entreprises et du développement des nouvelles technologies » 656 .

Néanmoins, nous avons vu qu’en 1992, lorsque la compétence économique est officiellement transférée des communes aux communautés urbaines, la loi ne précise pas quel doit être le contenu des politiques économiques intercommunales. Le « développement économique » local est donc, alors, une compétence économique communautaire à définir. Le texte de la loi ATR de 1992, ne donne qu’une définition par défaut de ce que devrait être une action économique menée par la communauté urbaine. En effet, ce texte rappelle, en creux, que ces institutions locales ne peuvent en aucun cas fournir d’aides financières directes aux entreprises locales 657 . Il y a alors souvent confusion entre « développement local » et « développement économique local » car ces expressions sont toutes deux apparues dans les années 1970, période à partir de laquelle l’échelon local commence à prendre en charge le domaine économique 658 . En l’absence de précision apportée par la loi de 1992, la loi Le Chapellier de 1791 encadre l’action économique des communautés urbaines et limite les capacités d’action de ces dernières 659  : la communauté urbaine de Lyon peut développer des dispositifs d’action économique sans pour autant offrir d’aides directes aux entreprises 660 .

Dans ce contexte, les missions économiques que se fixent les élus et les agents de la communauté urbaine concernent avant tout la mise en place d’une « gouvernance économique métropolitaine ». Nous avons vu, en effet, que les acteurs lyonnais lient progressivement les objectifs de rayonnement international et de « développement économique » au point de les fondre. La « gouvernance », considérée comme un facteur permettant d’accroître le rayonnement international de Lyon, devient ainsi non seulement un moyen d’action mais aussi le principal objectif de l’action économique de la communauté urbaine. La « gouvernance » doit être construite puis affichée. À ce titre, les moyens financiers consacrés à la communication autour de ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ et du ‘Pack’ sont très importants 661 . Les deux principaux dispositifs étudiés se caractérisent ainsi en premier lieu par leur dimension discursive prédominante : dire ce que l’on fait devient aussi important, voire plus important, que de le faire 662 .

Notes
655.

Comme nous l’avons mentionné dans l’introduction générale de ce travail, le ‘Pack’ (et le ‘Lyen’) ne sont même pas considérés comme des dispositifs centraux par les agents de la DAEI. Ces deux tentatives de constitution de groupes de chefs d’entreprise mobilisés par la communauté urbaine pour produire des projets de « développement économique » pour la « métropole », ne figurent d’ailleurs pas dans les différents rapports d’activité de la DAEI. En outre, le ‘Pack’ a finalement été porté par un autre service communautaire (la DPSA) après le refus du directeur de la DAEI d’accueillir son organisateur (voir Chapitre III), si bien que ce dispositif n’est pas toujours considéré par les élus et les agents de la communauté urbaine de Lyon comme un dispositif économique.

656.

Cf. LE GALÈS, Politique urbaine et développement local, Une comparaison franco-britannique, op. cit., p.130.

657.

Voir le texte de la loi n°92-125 ( http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/MCEBB.htm ).

658.

Cf. GAUDIN, L'action publique. Sociologie et politique, op. cit., p.35. L’expression « développement local » fait référence, de manière très générale, à l’ensemble des interventions d’aménagement urbain mises en place à partir des années 1970. Sur le « développement économique » local et ses définitions, cf. LE GALÈS, Politique urbaine et développement local, Une comparaison franco-britannique, op. cit., p.49 : le « développement économique » local recouvre la planification urbaine, l’aide aux entreprises, la promotion et la communication, l’emploi et la formation et le rôle de catalyseur du « développement économique ». Cet auteur note également que la montée en puissance de ce thème est un fait marquant pour les collectivités locales depuis les années 1970.

659.

Ainsi les communauté urbaines ne sont-elles pas autorisées à fournir d’aides directes aux entreprises (cf. PERRIN, La coopération intercommunale, op. cit.). Elles se focalisent donc uniquement sur certaines des actions de « développement économique » local pointées par Patrick LE GALÈS (cf. LE GALÈS, ibid.). Identifier progressivement ces actions concrètes est l’un des objectifs de ce travail.

660.

Il est à noter que cette faiblesse des interventions directes des autorités locales en faveur du « développement économique » est une caractéristique française (cf. LE GALÈS, Politique urbaine et développement local, Une comparaison franco-britannique, op cit., pp.88/89).

661.

Sur la répartition et l’importance relative du budget de ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ par rapport à ceux des autres politiques de la DAEI et des autres politiques de la communauté urbaine, voir Chapitre IV.

662.

Sur l’importance du discursif aussi bien dans la vie politique que dans l’action publique, cf. Murray EDELMAN, Pièces et règles du jeu politique, Paris, Seuil, coll. "La couleur des idées", 1991 (1ère édition américaine : 1964, University of Illinois Press).