1/ Une prise en compte ancienne des intérêts des entreprises

De nombreux travaux ont permis de mettre à jour la tendance exponentielle des politiques locales à intégrer les intérêts des entreprises dans la définition de leur contenu 1043 . En ce qui concerne le terrain lyonnais, un travail portant notamment sur ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ souligne plus précisément que le passage nominal du ‘Schéma de Développement Économique’ à ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ 1044 accompagne « l’avènement de l’intérêt des entreprises au cœur de la politique économique » 1045 . Cette affirmation comporte deux limites relevant de deux ordres différents. Premièrement, elle sous-entend que 2002 marquerait une rupture et constituerait le début de la prise en compte, par la communauté urbaine, des intérêts des entreprises. Cette prise en compte est pourtant déjà largement effective auparavant 1046 . Deuxièmement, l’emploi du terme « intérêt » au singulier suggère que les entreprises locales auraient un intérêt unique. Au regard du matériau que nous avons recueilli et de la littérature existante portant sur cette question 1047 , il nous paraît en fait plus juste d’employer ce terme au pluriel. Nous employons, en outre, également le terme « besoins » des entreprises locales. Nous voulons, par là, souligner que « les intérêts » pris en compte dans le cadre des dispositifs que nous étudions peuvent être reformulés par les élus et les agents de la communauté urbaine, voire reformulés par les représentants des chefs d’entreprise locaux. Ces derniers se voient alors prêtés un certain nombre de « besoins ». Cette distinction nous permet de comparer « les besoins des entreprises » tels qu’il sont présentés dans les dispositifs que nous étudions et « les intérêts des entreprises » tels que les chefs d’entreprise les formulent.

Dans la première partie de ce travail, nous avons présenté les missions générales que se fixe la DAEI 1048 . Nous étudions désormais les actions concrètes de la communauté urbaine de Lyon, à travers leur contenu, leur élaboration et leur mise en œuvre. La mise en perspective historique, dans un premier temps, puis la comparaison de ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ et du ‘Pack’, dans un second temps, permettent de souligner que la libéralisation de l’action publique est un long processus non-linéaire qui ne se traduit pas de la même manière selon les dispositifs étudiés.

Notes
1043.

Cf. des travaux aussi divers que: HECLO et WILDAVSKY, The private government of public money : community and policy inside British politics, op. cit., Paul PIERSON, Dismantling the welfare state ?, New-York, Cambridge University Press, 1994 et JESSOP, "Towards a schumpeterian workfare state ? Prelaminary remarks on post-fordist political economy", op. cit.

1044.

Voir Partie I.

1045.

Rachel LINOSSIER intitule plus précisément l’un des sous-titres de sa thèse comme suit : « Du SDE au GLEE : l’avènement de l’intérêt des entreprises au cœur de la politique économique », cf. LINOSSIER, La territorialisation de la régulation économique dans l'agglomération lyonnaise (1950-2005). Politiques, acteurs, territoires, op. cit., p.431.

1046.

« Entretiens avec l’enquêté n°2 » : un agent de la communauté urbaine de Lyon rattaché à la DAEI, chargé de mission « Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise » depuis 2004.

1047.

Cf. KOOIMAN, Modern Governance, op. cit., KANTOR et SAVITCH, Cities in the International Marketplace, op. cit. et, pour une étude menée par un chercheur lyonnais : Franck TANNERY, "Les trois dimensions de la stratégie dans les activités de service", Revue Française de Gestion, n°113, mars-avril-mai 1997, pp.62-70.

1048.

Voir Chapitre II. Pour rappel, l’objectif général de croissance de l’emploi est aussi transversal que dilué dans l’énoncé même des missions de la DAEI. En outre, ces missions se caractérisent par une volonté de faire baisser la fiscalité locale tout en améliorant le cadre de vie de la main d’œuvre des entreprises. Pour cela, elles sont présentées comme guidées par un souci de rationalisation des dépenses publiques grâce à l’intégration de « l’esprit d’entreprise ». Ainsi l’objectif général essentiel des politiques de « développement économique » intercommunales, est-il finalement de parvenir à influencer le choix des chefs d’entreprises en termes de lieu d’implantation en cherchant à répondre au mieux à leurs attentes. Comme le note Christian LE BART, « l’essentiel (…) réside dans la hiérarchie établie par les industriels cherchant un site d’implantation entre les différentes variables qui contribueront à déterminer le succès futur de l’entreprise » (cf. Christian LE BART, "Sur l'intervention économique des communes", Politix, n°7-8, 1989, pp.104-107, p.104).