2/ La pierre d’achoppement : définir la « métropole »

Le terme « métropole » renvoie à un espace géographique aux délimitations mouvantes sur lequel aucune institution n’est parvenue à établir clairement son emprise. La « métropole » comme territoire d’intervention des structures intercommunales demeure néanmoins valorisée dans les discours de nombreux acteurs locaux qui la présentent comme un outil d’adaptation des échelles d’action publique à la croissance urbaine et à la concentration des activités économiques 1190 . À en croire ainsi les porteurs de la réforme de la « gouvernance économique métropolitaine » à Lyon, l’échelle de la « métropole » (comme niveau de « gouvernance ») serait la réponse aux maux de l’agglomération : elle permettrait de réunir des acteurs aux intérêts multiples et parfois contradictoires par-delà toute concurrence 1191 . La communauté urbaine de Lyon est, à ce titre, présentée par ses élus et ses agents comme un « lieu » neutre pouvant précisément permettre de développer une « gouvernance métropolitaine » lorsqu’ils lancent ‘Lyon, Métropole Innovante’ et ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’. C’est au nom de son rôle d’animation que ses partenaires reconnaissent la communauté urbaine comme un acteur du « développement économique », comme le souligne le président de la CCIL dans la citation suivante :

‘« Le Schéma de Développement Économique, c’est le Grand Lyon et le monde économique. Il exprime avant tout cette volonté de coopération qui doit exister de toute façon. C’est la communauté urbaine qui anime cette coopération car elle est à l’interface des différents acteurs et puis c’est cette institution de l’agglomération qui a lancé ce schéma économique ! » 1192 .’

Mais à quel territoire et donc à quelle(s) institution(s) renvoie ce terme « métropole » ? Si l’on observe ‘Lyon, Métropole Innovante’ et ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’, leurs actions concernent des territoires à la fois plus grands (l’aéroport Lyon Saint-Exupéry est en dehors de la communauté urbaine) et plus petits (les sites technopolitains ne concernent que certains quartiers des communes centrales de la communauté urbaine) que le territoire juridique de la communauté urbaine. Pour reprendre les termes du directeur de la DAEI, ces politiques « jouent sur plusieurs territoires » :

‘« […] Bien sûr, vous le savez, il y a une complexité du territoire. Non seulement une superposition des territoires, mais un jeu des territoires. Donc, il y a évidemment le territoire institutionnel de la communauté urbaine et puis il se croise avec le territoire de rayonnement du Grand Lyon, il se croise avec le territoire des bassins d’emplois, avec le territoire des volontés d’expansion sur les territoires partenaires, il se croise avec les territoires des Grandes Villes de France. Donc, […] on a bien entendu une lecture des territoires qui est tout autre que le seul territoire du Grand Lyon. Et pour l’infraterritorial, par définition, on fait du marketing et donc on ne va pas promouvoir le territoire, on promeut le parc techno’ de Saint-Priest ou de Gerland, la Doua, etc. On a toute une palette, à notre disposition, de territoires divers et variés sur lesquels on joue » 1193 .’

Historiquement, la définition du territoire de cette « métropole » se caractérise d’abord par un grand flou, puis par une tentative de définition mouvante fondée sur les partenariats existants entre la communauté urbaine et les « acteurs économiques ». Cette définition demeure quoiqu’il en soit le fruit de négociations âpres et jamais achevées. Des définitions différentes, voire concurrentes, de la « métropole » subsistent en effet. Certaines d’entre elles incitent alors à la mise en place de partenariats avec d’autres institutions locales que la communauté urbaine de Lyon.

Notes
1190.

Cf. NÉGRIER, La question métropolitaine. Les politiques à l'épreuve du changement d'échelle territoriale, op. cit.

1191.

Voir Partie I.

1192.

Entretien avec l’enquêté n°63 : le président de la CCIL de 2000 à 2005.

1193.

Entretien avec l’enquêté n°8 : un agent de la communauté urbaine de Lyon rattaché à la DAEI, directeur de service depuis 1998.