b / Une communauté urbaine qui risque d’être contournée ?

Les définitions nombreuses et concurrentes du territoire « métropolitain » engendrent parfois des tensions entre acteurs locaux, comme lors du passage nominal du ‘Schéma de Développement Économique’ à ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’. Ce changement est imposé par les élus et les agents de la communauté urbaine car leurs partenaires le perçoivent comme un révélateur de volontés hégémoniques intercommunales récurrentes 1210  :

‘« […] Dans le nom : ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’… Nos détracteurs nous ont dit : ‘Mais non, ce n’est pas le Grand Lyon, ce n’est pas la communauté urbaine ! C’est Lyon. C’est l’agglomération lyonnaise !’ » 1211 .’

Dans ce contexte, la communauté urbaine risque d’être contournée par la Région et par ses communes membres qui ont gardé un service économique mais aussi, voire surtout, par les chefs d’entreprise et par leurs représentants 1212 .

En 2004, la DATAR lance un « appel à projet pour une coopération métropolitaine » axé sur la thématique du « rayonnement européen des métropoles françaises ». La présentation des origines de cet appel à projet rappelle de manière surprenante des thématiques anciennes 1213 , comme le reconnaissent ses rédacteurs :

‘« Dans le cadre de ses travaux de prospective, la DATAR a mis en évidence 2 constats majeurs : * la faiblesse relative des grands villes françaises à l’échelle européenne (hors Paris), dans les domaines économiques et de la recherche ; * l’importance de ces grandes villes pour le développement économique du territoire […]. Ces constats, qui ne constituent pas une réelle nouveauté, se cumulent avec d’autres analyses et, en particulier : * la faiblesse de l’organisation administrative et politique territoriale qui est en décalage croissant avec les espaces de vie des français ; * la faiblesse, voire l’absence de coopération entre les mondes économique, de la recherche et les institutions locales ; * le développement en Europe et dans le monde de nouveaux modes de gouvernance d’échelle métropolitaine » 1214 .’

Or c’est la RUL qui porte la réponse de Lyon à cet appel à projet. Cette institution, dont la réponse est retenue, obtient 72 000 euros de financement. Si cette échelle correspond pour de nombreux acteurs locaux à l’échelle institutionnelle idéale de la « métropole » (cf. Supra), dans les faits, la communauté urbaine continue pour l’heure de monopoliser l’essentiel des capacités d’action. En effet, les autres institutions publiques membres de cette association craignent toujours l’emprise potentielle que pourrait acquérir la communauté urbaine sur cette structure. À l’inverse, les élus et les agents de la communauté urbaine (notamment son président), craignent de ne pouvoir contrôler la RUL. Celle-ci demeure donc pour l’instant une institution « métropolitaine » dont l’importance croissante est sans cesse annoncée, sans jamais prendre forme concrètement, comme l’illustre l’apposition des deux citation suivantes :

‘« Nous devrons demain tisser des complémentarités, inventer des synergies. Car l’une de nos forces communes est précisément cette densité des grandes villes au sein de la région Rhône-Alpes. Il faut aussi faire tomber les barrières institutionnelles ou partisanes qui bloquaient notre marche en avant. C’est pourquoi par exemple la Région Urbaine de Lyon sera désormais co-présidée par le président de la communauté urbaine de Lyon et par la présidente de la région » 1215 .’ ‘« La RUL, Gérard Collomb en parle beaucoup mais il ne fait rien pour qu’elle fonctionne vraiment. Dans son esprit, cette institution semble menacer la communauté urbaine. Il lui semble plus simple d’affirmer que la communauté urbaine est l’institution de la métropole lyonnaise et de gouverner seul que de reconnaître que la RUL est l’institution de la métropole lyonnaise et de devoir gouverner de manière collégiale » 1216 .’

Par ailleurs, les coopérations entre collectivités ayant hérité d’une compétence dans le domaine économique sont délicates à mettre en place et à pérenniser. La Région accepte les interventions de la communauté urbaine tant que celles-ci respectent les limites des domaines d’intervention de chaque institution locale et ne perturbent pas la mise en œuvre des politiques économiques régionales 1217 . Les élus et les agent régionaux se comportent ainsi, comme les y invite d’ailleurs le cadre légal de la décentralisation, en tant que membres de la première collectivité officiellement en charge du « développement économique » local 1218 . Cette attitude est source de tensions avec des élus et des agents de la communauté urbaine qui revendiquent, quant à eux, d’intervenir au cœur des enjeux économiques locaux, comme l’explicite le directeur de la DAEI dans la citation suivante :

‘« Bon, ils ont évolué quand même, par exemple avec le contrat d’agglo’ où on est arrivés à faire rentrer une autre façon de voir les choses plus sur des logiques de projets de développement. […] Ce qui me paraît extrêmement important dans la complémentarité des politiques, c’est le foncier et l’immobilier : si vous voulez en masse financière réelle et sérieuse, les vraies masses financières elles sont ici maintenant dans le foncier et l’immobilier puisque c’est ce qui coûte cher ! Mais bon, c’est sûr que la région ne nous suit jamais sur ces programmes. […] Donc il faut vraiment qu’on redéfinisse le deal entre le territoire local et le territoire régional. C’est un enjeu que je trouve très intéressant et très important mais qui n’est effectivement pas du tout pris en compte par les lois de décentralisation, les Raffarin 2, là. Et qui n’est pas dans la tête de beaucoup de gens… » 1219 .’

Entre communes de la communauté urbaine des tensions pèsent également sur les définitions du territoire de la « métropole ». Certaines communes périphériques craignent que la mise en place de politiques dépassant le territoire des 55 communes membres ne soit un moyen pour la structure intercommunale de s’agrandir 1220 . Elles préfèrent dès lors plaider en faveur de la RUL (et donc de son fonctionnement consultatif) :

‘« [Un dirigeant de France Telecom] : J’habite de l’autre côté. Les mêmes inquiétudes règnent aussi à cause des compétences territoriales. Les gens dans l’au-delà du Grand Lyon, juste le proche, la première couronne, sont tous braqués avec les mitraillettes en disant ‘on ne veut en aucun cas, rentrer dans le Grand Lyon’, parce qu’ils vont perdre leurs compétences en matière de plan d’occupation des sols. Il s’agit d’un des sous-produits du débat qui nous occupe, ils sont braqués contre ça. C’est peut-être un des postulats à faire ressortir si on veut que ça se passe mieux, les velléités d’expansionnisme du Grand Lyon doivent s’arrêter à son périmètre et changer de style en termes de promotion ou d’attirance. Ce qui me plaît dans l’approche Région Urbaine de Lyon, c’est qu’apparemment on resterait avec un périmètre réduit à la communauté urbaine de Lyon telle qu’elle existe. La Région Urbaine de Lyon c’est autre chose, elle ne se confond pas avec le pouvoir du Grand Lyon, mais elle gère un peu ce pôle d’intérêt afin qu’on raisonne plus en bassin d’emplois qu’en territoires d’attractivités. Je ne sais pas si vous avez vu que les cartes thermiques –les cartes thermiques montrent le rayonnement de chaleur que produit une ville– font apparaître un territoire qui correspond à peu près au bassin d’emploi primaire, c’est-à-dire d’où viennent les gens pour travailler à Lyon. On voit que cette progression thermique a gagné une bonne dizaine de kilomètres en 20 ans. Ça correspond à peu près au périmètre de la région urbaine de Lyon, tel qu’on le dit dans les pensées » 1221 .’

En interne, certaines communes craignent de ne pouvoir se faire entendre au sein de la structure communautaire. Quelques communes importantes refusent quant à elles d’être totalement dépossédées de leurs compétences économiques. C’est notamment le cas de Villeurbanne, qui s’oppose régulièrement aux interventions économiques de la communauté urbaine sur son territoire 1222 . Les décisions de la DAEI concernant le « développement économique » intègrent ce problème de gestion des équilibres précaires, institutionnels ainsi que partisans 1223 . Les logiques de marchandage prédominent alors. Le choix de la situation géographique des sept sites technopolitains de ‘Lyon, Métropole Innovante’, par exemple, implique que chaque municipalité importante, voisine et concurrente de la ville-centre obtient la mise en place d’une zone spécialisée dans l’innovation technologique (notamment Bron avec Porte des Alpes et Villeurbanne avec La Doua). Ces marchandages rappellent qu’une structure intercommunale n’existe pas en elle-même, que la forme qu’elle prend et le contenu de ses politiques sont fonction des relations entre les communes qui la composent et de leurs évolutions. ‘Lyon, Métropole Innovante’ est ainsi le fruit de compromis fragiles 1224 dont les fondements dépassent largement les questions de « développement économique » :

‘« Certaines actions ont été acceptées pour des raisons de lobbying. Un minimum de résultats était donc attendu. Certains sites ont été choisis pour des raisons purement politiques. Ils n’ont donc pas les dimensions nécessaires. Mais il fallait assurer le soutien politique du plan technopole » 1225 .’

L’emprise que la communauté urbaine acquiert sur le domaine économique est fragilisée par ces concurrences institutionnelles et partisanes entre communes membres 1226 . Pour tenter de contrecarrer cette fragilité, neuf « conférences des maires » ont été mises en place dans une logique d’intégration 1227 .

Les entreprises s’organisent aussi à d’autres échelles et peuvent à tout moment faire jouer la concurrence entre les différentes institutions publiques locales 1228 . Les territoires institutionnels des instances patronales diffèrent d’ailleurs de celui de la communauté urbaine. L’Aderly travaille à l’échelle de la RUL 1229 . La CCIL, la Chambre de Métiers, le Medef Rhône et la CGPME représentent les entreprises du département du Rhône. Ces instances patronales ont en outre des équivalents à l’échelle régionale avec lesquels elles sont en lien direct 1230 . Enfin, le fonctionnement de la CCIL fondé sur un large nombre de cellules locales a historiquement favorisé l’emprise de cette institution sur les politiques économiques locales 1231 . Pour asseoir sa propre emprise sur ces politiques, la communauté urbaine s’inspire ainsi du mode d’organisation consulaire et envoie certains de ses agents au plus près du terrain, à savoir sur les différentes zones d’activités de l’agglomération 1232 .

Certains chefs d’entreprise représentés par ces instances patronales leur font clairement connaître leur intérêt à négocier avec d’autres institutions locales que la communauté urbaine. C’est le cas, par exemple, de certains chefs d’entreprise du secteur du textile dont un représentant s’exprime dans les termes suivants lors de la phase de formulation de ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ :

‘« [Le président du groupe professionnel textile Unitex] : Je voudrais dire ce qu’on a fait depuis à peu près 4 ans pour accoucher d’un pôle textile Rhône-Alpes. Ce n’est pas l’agglomération lyonnaise qui nous convient, c’est au moins Rhône-Alpes avec Roanne, Saint- Étienne, Lyon, Grenoble, la Drôme. On ne peut pas envisager un pôle uniquement autour de la place Bellecour sachant qu’au plan de la stratégie nationale, il existe un pôle fort dans le Nord et un pôle en Rhône-Alpes, même si Rhône-Alpes est arrivée à peu près à égalité avec le Nord. » 1233 .’

Le Medef Rhône, ne s’adresse pas non plus uniquement à la communauté urbaine mais plutôt à l’administration comme à un tout, ou à l’ensemble des institutions publiques. Il entend notamment veiller à ce que les fonds publics investis par ces institutions dans le domaine économique ne soient pas gaspillés. Il publie ainsi des documents largement distribués dans lesquels il remet en cause les pratiques financières des collectivités locales. Ces documents ne visent pas la production d’un savoir ou de données sur l’économie locale mais de points de repère permettant de contrôler les interventions publiques. Ils concernent de plus l’ensemble du territoire national car leur publication nécessite l’alliance de plusieurs sections locales du Medef 1234 . Finalement, aux yeux de ces représentants patronaux, une situation assez classique d’organisation, de structuration du lobbying patronal semble prédominer et correspond d’ailleurs à l’objectif premier des instances patronales investies dans ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’ :

‘« Qu’est-ce qui a changé [depuis la mise en place de ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’] ? Et bien, avant, quand le Gil-Medef avait quelque chose à dire, il devait prendre rendez-vous avec les politiques. Maintenant, il y a des réunions fixes. Donc le Gil-Medef peut régulièrement se faire entendre. En termes de lobbying, c’est l’assurance que le point de vue des entreprises va pouvoir être, si ce n’est pris en compte, en tous cas entendu et reconnu » 1235 .’

Les représentants des chefs d’entreprise locaux estiment ainsi qu’ils n’ont pas forcément besoin de la « gouvernance économique métropolitaine » pour peser sur les décisions publiques locales, même si cette réforme facilite leurs relations avec l’une de leurs institutions locales interlocutrices.

Le ‘Pack’ prend, enfin, pour territoire de référence, la « Méridienne Lille-Lyon-Marseille ». La « métropole » que ses membres définissent, dépasse largement les frontières juridiques ainsi que les frontières des interventions concrètes de la communauté urbaine. Cette définition les incite, eux aussi, à favoriser des partenariats avec d’autres institutions locales. Leur coopération à l’origine étroite avec la communauté urbaine est, à ce titre, ambiguë, au sens où la communauté urbaine n’est que l’un des acteurs locaux avec lesquels le ‘Pack’ entend coopérer 1236 , comme le souligne la citation suivante tirée d’une présentation de ce projet de « Méridienne » :

‘« Dans le peloton des grandes villes françaises, trois métropoles se détachent en raison de : leur poids démographique et économique, leur rayonnement universitaire, scientifique et culturel, [et] leur influence à l’international, en raison notamment du grand nombre de leurs sièges sociaux. Seules ces trois métropoles peuvent espérer se mesurer un jour aux grandes métropoles européennes non capitales d’État, aujourd’hui encore incomparablement plus importantes, comme Milan, Munich, Francfort, Amsterdam et Barcelone. […] Il est proposé aux forces vives de ces trois métropoles –villes et/ou communautés urbaines, CCI, unions patronales, agences de développement (APIM, Aderly, Provence Promotion)– de créer une association 1901 : ‘M3, la Méridienne des Métropoles Millionnaires’ » 1237 .’

L’association appelée « Émergences ‘méridienne’ » est d’abord mise en place à Lyon, à partir de 2002, puis à Lille et à Marseille, à partie de 2004. L’espace inventé en cours de structuration doit permettre d’assurer une activité économique soutenue aux chefs d’entreprise installés dans ces trois agglomérations 1238 . Une première rencontre a permis de réunir Gérard Collomb, Pierre Mauroy et Jean-Claude Gaudin en 2003. Néanmoins, depuis la rupture des liens entre le ‘Pack’ et la communauté urbaine de Lyon, la structuration de cette méridienne passe avant tout par des coopérations entre les différentes CCI des trois agglomérations (cf. Infra) 1239 . Au sein de cette « méridienne », le ‘Pack’ distingue en outre les « territoires vécus », des « territoires institutionnels » 1240 . Comme en témoigne l’expression suivante : « nous sommes tous [les membres du ‘Pack’] ambassadeurs de Lyon-Rhône-Alpes » 1241 , ce réseau a une appréhension singulière du territoire pouvant remettre en cause la pertinence du découpage territorial de la communauté urbaine et donc ses modes d’intervention.

La réforme de la « gouvernance économique métropolitaine » entraîne la structuration de coopérations entre des acteurs locaux aux budgets incomparables, ainsi qu’une concentration de la production de données sur l’économie locale au sein de la communauté urbaine (ou, plus précisément, au sein de l’agence d’urbanisme avec l’OPALE) et un retrait parallèle de la CCIL et de l’Aderly dont les missions économiques sont moins étendues qu’auparavant. Mais la réforme de la « gouvernance économique métropolitaine » entraîne également une délégation de la mise en œuvre des actions de ‘Lyon, Métropole Innovante’ et de ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’, dans un contexte où l’État, la Région et certaines communes jouent toujours un rôle important et dans un contexte où le (ou les) territoire(s) « métropolitain(s) » à l’échelle duquel(desquels) la communauté urbaine entend intervenir de manière légitime grâce à cette réforme demeure(nt) incertain(s).

Nous observons donc une montée en puissance de la communauté urbaine aussi nette que fragile. Elle a su, en une dizaine d’années, devenir un acteur important, si ce n’est central, du « développement économique » local. Néanmoins, la reconnaissance du rôle économique de cette institution par les communes et par la région Rhône-Alpes se fait progressivement et n’implique pas une reconnaissance automatique, par ces mêmes institutions, de son emprise sur l’ensemble des politiques locales dans lesquelles elle intervient 1242 .

La multiplication des types de relations que la communauté urbaine de Lyon tente de construire avec les milieux économiques locaux (via ‘Lyon, Métropole Innovante’, ‘Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise’, le ‘Lyen’ puis le ‘Pack’) est en outre souvent présentée comme un signe de « bonne gouvernance économique » par les agents de la DAEI 1243 . Elle révèle pourtant aussi le refus de certains des « acteurs économiques » alors sélectionnés, de coopérer avec cette institution de manière exclusive, jusque dans l’action et sur le long terme. Une partie des chefs d’entreprise et de leurs représentants considère qu’elle n’a pas fondamentalement besoin de ce type de structure pour se faire entendre, ni pour favoriser le « développement économique » local 1244 . Ces acteurs s’engagent parfois dans les dispositifs que la communauté urbaine met en œuvre de manière à se garder, paradoxalement, des marges d’action comme le souligne un ancien président du Medef Rhône dans la citation suivante :

‘« Nous, on veut bien que la communauté urbaine marche sur nos plates-bandes mais on veut savoir où elle va et ce qu’elle nous laisse. C’est aussi pour ça qu’on accepte ses invitations » 1245 .’

Ces acteurs continuent à préférer agir seuls (avec des fonds intercommunaux quand cela s’avère possible), voire à coopérer avec d’autres institutions publiques.

Les élus et les agents de la communauté urbaine fournissent malgré tout des efforts importants pour fidéliser ce public à la fois visé par −et invité à être partenaire de− l’action économique intercommunale. Ils affichent pour cela les partenariats qu’ils tentent de mettre en place à la fois avec des représentants des chefs d’entreprise et directement avec certains chefs d’entreprise, ce qui accroît la concurrence entre les représentants des chefs d’entreprise et peut être perçu comme une opportunité par les outsiders de la représentation économique de se faire entendre (cf. Infra). La participation des milieux économiques à une partie de l’action publique locale ici étudiée est donc en partie porté par les élus et les agents de la communauté urbaine eux-mêmes.

Travailler en coopération avec les autres « acteurs économiques » permet en effet aux élus et aux agents de la communauté urbaine d’être eux-mêmes progressivement reconnus comme des acteurs du « développement économique » et donc d’acquérir une légitimité à intervenir dans ce domaine. Avec la réforme de la « gouvernance économique métropolitaine » se mettent dès lors en place des logiques d’institutionnalisation d’un service économique, d’un métier de « développeur économique » et d’un rôle d’élu en charge de ce domaine d’action. Dans la troisième section de ce chapitre, nous tenterons de préciser quelles sont les transformations des rôles des représentants des chefs d’entreprise locaux, d’une part, et des rôles des élus et des agents de la communauté urbaine, d’autre part, engendrées par la réforme de la « gouvernance économique métropolitaine ».

Notes
1210.

Entretien avec l’enquêté n°22 : un chargé de mission du président de l’agence d’urbanisme de Lyon à la fin des années 1990 et Entretien avec l’enquêté n°63 : le président de la CCIL de 2000 à 2005.

1211.

Entretiens avec l’enquêté n°2 : un agent de la communauté urbaine de Lyon rattaché à la DAEI, chargé de mission « Grand Lyon, l’Esprit d’Entreprise » depuis 2004.

1212.

Sur la dénomination et la délimitation des espaces comme enjeu de luttes de pouvoir, cf. Pierre BOURDIEU, "La représentation politique. Éléments pour une théorie du champ politique", Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°36/37, 1981, pp.3-24.

1213.

Voir chapitre I.

1214.

« Pour un rayonnement européen des métropoles françaises. Appel à projet pour une coopération métropolitaine », DATAR, septembre 2005, notamment p.2.

1215.

« Plan de mandat 2001-2007 », Document de la communauté urbaine de Lyon (cabinet du président), p.6.

1216.

Discussion avec un agent de la communauté urbaine dont nous préférons maintenir l’anonymat.

1217.

Voir Chapitre II.

1218.

« Loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales », Journal Officiel, n°190, 17 août 2004.

1219.

Entretien avec l’enquêté n°8 : un agent de la communauté urbaine de Lyon rattaché à la DAEI, directeur de service depuis 1998.

1220.

C’est, par exemple, le cas des communes situées à proximité de l’aéroport Lyon Saint-Exupéry. Entretien avec l’enquêté n°64 : un consultant auprès des collectivités locales du Cabinet Équation responsable de l’enquête auprès des maires dont les résultats conduisent à la mise en place des « Conférences des maires » et Entretien avec l’enquêté n°66 : le directeur de la mission « Carré de soie » de la communauté urbaine (l’aménagement du Carré de soie, situé en grande partie à Vaulx-en-Velin, comporte un volet transport important avec la question du raccordement de la ligne TGV desservant l’aéroport Lyon Saint-Exupéry au réseau du métro lyonnais).

1221.

AAU, Archives non-classées, Pochettes intitulées : Schéma de Développement Économique, « Compte rendu de la réunion du 13 novembre 1997 », p.49.

1222.

L’exemple de la requalification de la zone de Grandclément, souligne notamment les délicates tentatives de partenariat de la communauté urbaine avec des élus et des agents de Villeurbanne qui souhaitent rester les premiers interlocuteurs des entreprises sur le terrain (cf. ROUSSET, Le développement économique selon le Grand Lyon : bilan d'une politique 'transversale', Mémoire , op. cit., pp.64 et suivantes).

1223.

Pour reprendre l’exemple de Villeurbanne, l’opposition institutionnelle de la deuxième commune de l’agglomération en terme de population qui s’est en outre historiquement construite par opposition à la commune de Lyon (voir Partie I), se couple à une opposition partisane. Charles Hernu (PS) puis Gilbert Chabroux (PS) et Jean-Paul Bret (PS), tous trois successivement maires de Villeurbanne, s’opposent ainsi, jusqu’à l’arrivée de Gérard Collomb à la tête de la communauté urbaine, à la mise en place d’une technopole pilotée par les instances patronales sur le campus de la DOUA (Entretien avec l’enquêté n°65 : le président de l’incubateur d’entreprises Créalys et cf. GUÉRANGER et JOUVE, "De l'urbanisme à la maïeutique : permanence et recomposition des politiques urbaines à Lyon", op. cit.).

1224.

Cf. DESAGE, Le consensus communautaire contre l'intégration intercommunale. Séquences et dynamiques d'institutionnalisation de la communauté urbaine de Lille (1964-2003), Thèse .

1225.

Entretien avec l’enquêté n°50 : un ancien agent de la communauté urbaine de Lyon rattaché à la DAEI responsable de ‘Lyon, Métropole Innovante’, désormais directeur adjoint de l’Aderly.

1226.

Le transfert de la TP aux communautés urbaines nous semble alors un facteur insuffisant pour faire émerger un intérêt communautaire autonome et donc distinct de ces compromis fragiles fruits de nombreux marchandages entre communes. Certes, les communes ne perçoivent plus la TP depuis 2003 et ne sont donc plus en concurrence face aux choix de localisation des entreprises (puisque le niveau de la TP est désormais « unique » sur l’ensemble du territoire de la communauté urbaine). L’intégralité de leurs ressources fiscales est désormais liée à la fiscalité des ménages résidant sur leur territoire. Elles n’ont donc plus d’intérêt financier direct à disposer d’entreprises nombreuses sur leur territoire. Malgré tout, si les entreprises représentent des nuisances potentielles, la proximité d’entreprises de haute technologie peut attirer une main-d’œuvre qualifiée. Si les fondements des logiques de marchandage évoluent, ces logiques ne disparaissent donc pas.

1227.

Voir Partie I. Entretien avec l’enquêté n°64 : consultant auprès des collectivités locales du Cabinet Équation responsable de l’enquête auprès des maires dont les résultats conduisent à la mise en place des « Conférences des maires ».

1228.

Si toutes les entreprises ne sont pas pleinement mobiles, les chefs d’entreprise cherchent souvent à établir en premier des relations avec leurs représentants dont ils attendent ensuite qu’ils établissent des relations avec l’ensemble des institutions publiques (Entretien avec l’enquêté n°3 : un membre du ‘Pack’ également membre de la commission « développement économique » du Medef Rhône et Entretien avec l’enquêté n°49 : un ancien PDG de la société Morel Journel). Aux yeux de Pierre-Paul ZALIO, il faut ainsi interroger la cohérence parfois pré-établie entre un territoire et une formation sociale. L’expression « les mondes de l’économie » rend compte de l’absence d’identité commune liée au territoire des patrons, cf. ZALIO, Grandes familles de Marseille au XXème siècle, op. cit. et ZALIO, "Territoires et activités économiques. Une approche par la sociologie des entrepreneurs",op. cit.

1229.

Cf. RANDLES, Cities in evolutionary perspective : diversity, reflexivity, scale and the making of economic society in Manchester and Lyon, op. cit., p.271.

1230.

D’ailleurs, en ce qui concerne le Medef, son échelon régional très léger est en lien constant avec le Medef Rhône qui dispose de bien davantage de personnel (Entretien avec l’enquêté n°47 : le directeur adjoint du Medef Rhône-Alpes).

1231.

Cf. LINOSSIER, La territorialisation de la régulation économique dans l'agglomération lyonnaise (1950-2005). Politiques, acteurs, territoires, op. cit.

1232.

Ce mode d’organisation est appelé « territorialisation » de l’action économique, aussi bien par les agents de la DAEI que par certains chercheurs (cf. Ibid., pp.314 et suivantes). Le rôle des agents de la DAEI est ainsi défini sur la base de celui des agents de la CCIL (cf. Infra).

1233.

AAU, Archives non-classées, Pochettes intitulées : Schéma de Développement Économique, « Compte rendu de la réunion du 13 novembre 1997 », p.31.

1234.

Cartes sur table des grandes agglomérations, Ouvrage réalisé par les Medef Territoriaux : Gil Medef Lyon-Rhône, Medef Bas-Rhin, Medef Gironde, Medef Lille-Métropole, Medef Loire-Atlantique, UPE 13 – Medef Bouches-du-Rhône, 2002.

1235.

Entretien avec l’enquêté n°31 : le président du Medef Rhône de 1988 à 1992.

1236.

Et souligne les limites d’un rapprochement qui s’effectue, comme à Lille dans le cas du ‘Comité Grand Lille’, lorsque la mise en place de la TPU limite l’intérêt, pour les PME, de maintenir leurs relations avec les communes (cf. MATEJKO, Mobilisations patronales et métropolisation à Lille et Marseille, op. cit., p.111).

1237.

« M3, Méridienne des Métropoles Millionaires Lille-Lyon-Marseille », Projet rédigé par Bruno Bonduelle, octobre 2002, p.1.

1238.

Le nom complet de l’association rappelle précisément cette volonté d’inscription parallèle dans trois agglomérations différentes : « Émergences ‘méridienne’ » veut faire référence à la méridienne que constitue l’axe reliant Lille, Lyon et Marseille.

1239.

Cf. ROSIER, Lyon, seconde agglomération française mais quelle vocation internationale ?, op. cit., pp.59-60 : le ‘Pack’ se mobilise ainsi « pour une région métropolitaine ».

1240.

Intervention d’un membre du ‘Pack’ lors du week-end de l’association Émergences, observation réalisée le 29 novembre 2003.

1241.

Intervention lors d’une réunion du ‘Pack’, observation réalisée le 27 octobre 2003.

1242.

Et ce, même si la communauté urbaine affiche le « développement économique » comme son domaine d’action prioritaire (voir Partie I). Les luttes d’institution persistent donc (cf. Daniel GAXIE (dir.), Luttes d'institutions. Enjeux et contradictions de l'administration territoriale, Paris, L'Harmattan, coll. "Logiques Juridiques", 1997).

1243.

Entretien avec l’enquêté n°11 : un agent de la communauté urbaine de Lyon rattaché à la DAEI, chargé de mission « bio-technologies et technologies de l’information », Entretien avec l’enquêté n°18 : un agent de la communauté urbaine de Lyon rattaché à la DAEI, chargé de mission « animation des territoires » et Entretien avec l’enquêté n°58 : un agent de la communauté urbaine de Lyon rattaché à la DAEI responsable du « pôle grands-comptes ».

1244.

Notre matériau ne nous permet pas d’établir des liens fins entre les prises de position des chefs d’entreprise locaux et la taille ainsi que la trajectoire de leurs entreprises ou encore la nature de leurs interactions avec les institutions publiques locales et leurs élus. Des entretiens que nous avons réalisés, il ressort néanmoins clairement que les chefs d’entreprise les moins « proches » des institutions locales, qui sont aussi les plus nombreux, attendent exclusivement de l’ensemble des pouvoirs publics qu’ils diminuent la fiscalité, qu’ils simplifient le droit du travail, qu’ils limitent les capacités de nuisance des syndicats de travailleurs et qu’ils n’entravent pas l’activité de leurs entreprises par des travaux de voirie ou d’aménagement. Pour le reste, il semble, qu’à leurs yeux, moins les pouvoirs publics interviennent, mieux les choses se passent.

1245.

Entretien avec l’enquêté n°32 : le président du Medef Rhône de 1998 à 2002.