1/ Les chefs d’entreprise et leur représentation : des mondes économiques « rivaux-associés »

Si les chefs d’entreprise sont porteurs d’intérêts divers rendant leur coopération délicate (cf. Supra), nous montrons néanmoins, ici, que ces intérêts sont loin d’être totalement fragmentés. Ils sont plutôt à la fois divisés et structurés en mondes qui s’opposent tout en cherchant à s’allier. Nous nous inscrivons dès lors dans une perspective de recherche qui vise à prendre en compte la singularité des acteurs locaux que sont les chefs d’entreprise et la situation paradoxale dans laquelle ils se trouvent. Les chefs d’entreprise sont en effet en concurrence individuelle permanente du fait de l’inscription de leur activité professionnelle dans un marché économique qui conditionne notamment le montant de leurs ressources financières, voire le volume des biens dont ils sont propriétaires. Mais les chefs d’entreprise sont aussi socialisés et développent, à ce titre, des logiques d’action collective non-exclusivement déterminées en fonction d’enjeux liés aux évolutions du marché économique. Leur socialisation est le fruit d’une multiplicité d’appartenances mouvantes, à différents groupes sociaux, qui explique l’absence de lien déterministe entre les caractéristiques économiques de leur entreprise, les caractéristiques sociologiques de leur famille ou encore leur engagement dans une instance patronale, d’une part, et leurs actions ainsi que leurs logiques d’action, d’autre part 1246 .

Pour mieux comprendre la nature de l’engagement des milieux économiques auprès de la communauté urbaine ainsi que les transformations potentielles de leur rôle dans l’action publique à laquelle ils prennent part, nous revenons sur trois dimensions de la représentation des chefs d’entreprise locaux. Tout d’abord, la structure de cette représentation est en partie stabilisée par les sollicitations d’une communauté urbaine qui lance des dispositifs d’action économique partenariaux. La nature de l’engagement des représentants patronaux au sein de ces dispositifs est ensuite liée à l’impossibilité face à laquelle ils se trouvent de légitimer leurs actions par leur seule représentativité. Enfin, les permanences et les mutations du rôle des différentes formes d’organisations patronales dans l’action économique s’expliquent par le fait que les chefs d’entreprise, malgré leurs rivalités, cherchent à s’associer.

Notes
1246.

Cf. ZALIO, Grandes familles de Marseille au XXème siècle, op. cit. et ZALIO, "Territoires et activités économiques. Une approche par la sociologie des entrepreneurs",op. cit.