1.3.1. Argument pour un traitement visuo-spatial propre au niveau global

Dans le cas des stimuli hiérarchisés (e.g., un grand carré composée de la juxtaposition de petits cercles), les deux aspects du traitement de la totalité pourraient être distingués. Dans notre exemple, que l’unité perceptive traitée soit la petite ou la grande forme, son extraction repose sur un traitement configural, grâce aux propriétés de fermeture, présentes pour l’une comme pour l’autre. Si la proximité entre les éléments est suffisante, nous avons vu que l’absence de connexions entre les éléments n’est pas un obstacle majeur au traitement de la propriété de relation (fermeture) contribuant à former ici la configuration globale. Dans ce cas, ce qui diffère vraiment entre la détection des petites et grande formes est le mode de traitement local ou global qu’elles impliquent. Cette distinction repose sur le niveau de hiérarchie où se situent les formes. Ce type de stimuli permet donc de traiter de l’opposition entre global et local. Dans une expérience manipulant de manière orthogonale le caractère configural (fermeture ou intersection) ou non configural (simple ligne orientée : oblique vs. droite) des propriétés d’une part, et leur niveau global ou local d’autre part, Kimchi (1994, Expérience 5) observe de meilleures performances pour le traitement au niveau global qu’au niveau local, que ce niveau global soit une véritable configuration (carré, losange, croix) ou une simple ligne orientée, à condition qu’il n’y ait pas de propriété configurale au niveau local. Ainsi, un avantage du niveau global est possible indépendamment de la présence de propriétés configurales au niveau global, et en cela la distinction entre modes de traitement global et local semble pertinente. Toutefois, lorsque les éléments au niveau local contiennent des propriétés configurales (ici, la fermeture), l’avantage du niveau global disparaît. Ces résultats nous apprennent trois choses.

Premièrement, comme un avantage du niveau global est observé en l’absence de propriétés configurales à l’un et l’autre niveaux, cet avantage repose sur autre chose que la seule priorité de traitement dont les propriétés configurales sont censées faire l’objet. Aussi, comme le conclut Kimchi (1994), l’avantage du niveau global ne doit pas être tenu comme un argument direct pour la primauté des propriétés configurales ou de totalité (wholistic properties).

Deuxièmement, les propriétés configurales, définies non par leur position dans la structure hiérarchique de l’objet mais par la présence d’inter-relations entre les composantes, sont à ce point saillantes pour le système visuel qu’elles peuvent masquer l’effet de supériorité du niveau global, lorsqu’elles offrent une concurrence au niveau local.

Troisièmement, nous pouvons aussi en déduire que le paradigme des stimuli hiérarchisés présente un risque : celui de ne pas toujours permettre d’interpréter la distinction entre les modes de traitement global et local indépendamment de certains effets dus à des propriétés configurales plus ou moins saillantes. C’est pourquoi il nous semble important, dans les expériences traitant d’une question relative aux modes de traitement global et local, d’équilibrer l’un et l’autre niveaux en termes de propriétés configurales, ces dernières devant être absentes aux deux niveaux ou présentes aux deux niveaux. Pomerantz, Sager, et Stover (1977) avaient notamment procédé ainsi, et tenté d’équilibrer la discriminabilité des niveaux global et local en proposant des configurations aux deux niveaux (grand X composé de + ou de cercles).