2.1.1. Deux manifestations de l’avantage du niveau global : rapidité de traitement et asymétrie de l’interférence

Parmi les expériences de son article de 1977, Navon présente une épreuve dans laquelle le participant est invité à discriminer le nom d’une lettre (H ou S) entendu dans un casque, pendant qu’il perçoit visuellement une lettre hiérarchisée dont le niveau global peut être la lettre entendue (condition avec compatibilité), l’autre lettre (condition piège) ou un carré (condition neutre) ; le niveau local est constitué de la répétition d’un même élément qui est soit la même lettre qu’au niveau global, soit la lettre concurrente, soit le carré (Expérience 2). Dans deux phases contrôles, le stimulus visuel n’est pas hiérarchisé : il s’agit d’un H, d’un S ou d’un carré de la taille du stimulus global, ou bien de la taille du stimulus local. L’auteur relate un effet du facteur compatibilité entre le nom de lettre entendu et le stimulus présenté au niveau global des stimuli hiérarchisés, alors que cette compatibilité avec l’information visuelle située au niveau local n’a pas d’effet. L’absence d’effet de l’information située au niveau local ne s’explique pas seulement par la petite taille des éléments locaux, mais bien par leur position dans la hiérarchie du stimulus, puisque dans la phase contrôle (présentation d’une lettre isolée) la compatibilité produit un effet positif et l’incompatibilité un effet négatif, quelle que soit la taille de cette lettre non-hiérarchisée. Navon conclut que le système visuel dispose d’une capacité suffisante pour traiter les détails, mais que leur traitement est abandonné aussitôt qu’une interprétation est possible au niveau global.

Navon reprendra plus tard ce principe d’expérience dérivé de l’effet Stroop (Navon, 1991), mais dans l’Expérience 3 de son article de 1977, il abandonne l’aspect intermodal de l’épreuve, et ne laisse plus le participant totalement libre de traiter le stimulus visuel. Il cherche en effet à évaluer s’il est possible de traiter les détails d’un stimulus hiérarchisé quand l’attention est volontairement focalisée sur le niveau local, et s’il est possible d’inhiber l’information présente au niveau global. A travers les Expériences 2 et 3 se profilent ainsi les deux situations expérimentales les plus fréquemment utilisées depuis avec des stimuli hiérarchisés : les situations dites d’attention divisée entre les niveaux et les situations d’attention focalisée. Dans l’Expérience 3, Navon reprend une partie des stimuli visuels de la phase test de l’Expérience 2 et la tâche consiste à focaliser l’attention sur l’un ou l’autre niveau, selon le bloc de l’épreuve, pour discriminer la lettre H ou S toujours présente au niveau sélectionné. Les stimuli visuels sont cette fois présentés brièvement, masqués, et leur lieu d’apparition varie aléatoirement pour éviter de réaliser l’épreuve de focalisation au niveau local en restreignant simplement la fenêtre attentionnelle sur une partie précise de l’écran. Les résultats répliquent tout d’abord la supériorité des performances au niveau global. Ils montrent aussi que les temps de réponse ne sont pas influencés par le contenu local lorsque l’attention est dirigée au niveau global, alors qu’une lettre incompatible au niveau global retarde la réponse si l’attention est dirigée au niveau local. Navon met ainsi en évidence une asymétrie de l’interférence entre les niveaux. Il pense qu’elle reflète le caractère inévitable du traitement de l’information globale. L’interférence très marquée de l’information située au niveau global dans une tâche de sélection de l’information locale a été souvent reproduite, notamment par Peressotti, Rumiati, Nicoletti et Job (1991) et l’asymétrie de l’interférence a été également répliquée (Luna, Merino, & Marcos-Ruiz, 1990 ; Navon & Norman, 1983 ; Proverbio, Minniti, & Zani, 1998).