2.1.2. Interprétation par la précédence du traitement global

Navon considère les meilleures performances au niveau global et l’asymétrie de l’interférence comme deux manifestations de la dominance du niveau global sur le niveau local, mais il va plus loin en leur imaginant une origine commune : la précédence temporelle du traitement au niveau global. Selon cette interprétation, l’avantage du niveau global viendrait de la séquentialité du traitement des niveaux, les détails n’étant traités qu’après la forme globale, conformément au point de vue défendu par la théorie de la forme. L’avantage du niveau global est donc, selon Navon, un effet purement perceptif : le système visuel est d’abord sensible à l’information située au niveau global puis au niveau local, et l’identité de l’information globale serait disponible tellement tôt qu’elle interférerait au niveau de la réponse, même si les éléments locaux sont identifiés parce que la consigne l’exige. Nous verrons que d’autres interprétations reprennent ces idées, sans forcément retenir l’aspect strictement successif des traitements global puis local, qui est propre à l’interprétation de Navon en 1977, et qu’il inscrit dans la perspective gestaltiste postulant que l’analyse perceptive commence par la structure globale et se raffine peu à peu dans les détails.

Plus tard, Navon (1981) lui-même exprime l’interprétation différemment, décrivant l’analyse du niveau local comme une fonction moins rapide que celle du niveau global, sans que cela implique le décalage du démarrage des deux traitements : seul leurs aboutissements seraient séquentiels. Ainsi, la structure globale du stimulus serait disponible à la fois pour l’identification et les processus de réponse avant les détails, mais cela n’impliquerait pas forcément que l’analyse locale se déclenche seulement après l’aboutissement du traitement global. Dans un article plus récent, Navon conclut que les effets attestant l’avantage du niveau global sont suffisamment stables pour témoigner de l’existence d’une véritable disposition ou préférence, de nature perceptive, du système visuel pour l’information globale (Navon, 2003).