2.3.2. Effets liés au style cognitif

Nous avons vu que l’absence d’avantage du niveau global chez les primates non humains, pourtant dotés d’un système visuel de bas niveau similaire à celui des humains, constitue un argument favorable à une explication de cet avantage, au moins partielle, par des mécanismes de haut niveau. Nous avons également vu que, selon les hypothèses attentionnelles fortes, il existerait un biais de l’attention vers l’information globale chez l’homme. Toutefois, quelques études portant sur les traits de personnalité et leurs liens avec la cognition suggèrent que chez certains humains adultes l’attention serait biaisée vers le niveau local. Yovel, Revelle et Mineka (2005) ont ainsi montré que des individus avec des traits de personnalité obsessionnelle dirigent plus fortement leur attention vers les détails des stimuli hiérarchisés dans des épreuves d’attention divisée entre les niveaux. Cette caractéristique est interprétée par les auteurs comme un biais de l’attention, qui conduit ces personnes à subir une interférence exceptionnellement forte par les informations locales, remarque cohérente avec l’observation clinique de l’intérêt porté par ces personnes à des détails peu pertinents dans l’environnement.

En s’intéressant tout simplement à l’influence de l’état de tristesse sur l’attention portée à l’information globale ou locale, Gasper et Clore (2002) montrent que les personnes testées qui se sentent de triste humeur sont moins enclines que celles qui se sentent heureuses à se baser sur les caractéristiques globales pour classer des figures. Ce constat, dont il convient de relativiser la portée, suggère que ce que ressent une personne à un moment donné peut s’accompagner de (ou déclencher, selon les auteurs) une tendance à porter son attention sur des niveaux de complexité différents dans une scène. Gasper et Clore proposent l’interprétation suivante pour rendre compte du biais vers le local, constaté dans leurs travaux en lien avec la tristesse : la stratégie la plus directement disponible pour traiter l’information visuelle étant de porter l’attention au niveau global, le fait d’être d’humeur joyeuse correspondrait à une certaine sérénité amenant à considérer la stratégie disponible comme tout à fait suffisante, ce qui ne serait pas le cas si l’humeur est plus triste.