2.4.1. Description du ‘level-readiness effect’

A partir d’une série d’expériences, Ward (1982) a décrit le phénomène de ‘level-readiness effect’ : lorsque la cible peut apparaître à l’un ou à l’autre niveau, les performances sont meilleures pour un item n si l’item n – 1 contient lui aussi une cible au même niveau.

Il s’agit tout d’abord véritablement d’un effet relatif au niveau, non confondu avec l’effet de répétition d’une même cible. Autrement dit, l’effet se produit même si la cible à discriminer (ainsi que la réponse motrice à réaliser) n’est pas la même d’un item à l’autre (Lamb & Yund, 1996 ; Rafal & Robertson, 1995 ; Robertson, Egly, Lamb, & Kerth, 1993 ; Robertson, 1996). Ce qui est maintenu d’un item à l’autre n’est donc pas simplement la représentation interne de la cible préalablement objet d’attention, mais le niveau de structure auquel cette cible fut traitée.Notons toutefois que, si cet effet n’est pas réductible au seul fait que la réponse à donner soit la même, des expériences montrent que le changement de réponse peut interagir avec le changement de tâche (Hübner & Druey, 2006) : les expériences étudiant l’effet de changement de niveau ont donc intérêt à contrôler la répétition de réponse.

Par ailleurs, cet effet est robuste et a été reproduit à partir de tâches diverses. Ward (1982) l’a ainsi observé dans une tâche d’identification (Expériences 1, 2 et 3), une tâche de jugement de similarité (Expérience 4) et une tâche de recherche de cible (Expériences 5 et 6). De plus, à travers les trois premières expériences, il montre la stabilité de l’effet face à différentes contraintes. Dans la première, le participant voit apparaître le stimulus hiérarchisé au moment exact où il fournit sa réponse à l’item précédent : cette procédure optimise l’apprêtement du participant à continuer le traitement au même niveau et permet de recueillir un fort effet de répétition de niveau (Expérience 1), mais l’effet est aussi répliqué quand des délais variables sont introduits entre les stimuli (Expérience 2). Bien qu’il puisse se déclencher très précocement, cet effet se maintient aussi après un délai de trois secondes entre les stimuli (Robertson, 1996). De même, l’effet persiste avec des stimuli de plus grande taille, qui auraient pu masquer l’effet en biaisant fortement l’analyse vers le niveau local (Expérience 3). Il se maintient également malgré la variation de l’emplacement du stimulus hiérarchisé (Robertson, 1996).

Le ‘level-readiness effect’ a aussi été décrit comme symétrique, ce qui contribue à le décrire comme massif, et à confirmer sa différence avec l’effet, asymétrique, de l’indiçage (i.e., l’indice non-valide est plus perturbant pour le niveau local que pour le niveau global, Kotchoubey, Washer, & Verleger, 1997). Ward (1982) observe ainsi une détérioration des performances comparable pour le passage du niveau global au niveau local et pour le passage inverse. Toutefois, une analyse précise des résultats montre que la symétrie n’est pas la caractéristique la plus stable de l’effet. Hübner (2000) observe par exemple que le retard induit par un changement de niveau se produit dans les deux sens, mais le retard induit par le passage du niveau global au niveau local est plus net. L’observation d’une augmentation de l’amplitude de l’onde précoce P1 dans le seul cas où une cible locale est précédée d’un item contenant la cible au niveau global traduirait aussi la difficulté particulière à passer du niveau global au niveau local (Han, He, & Woods, 2000). Shedden, Marsman, Paul et Nelson (2003) observent pour leur part un effet de changement de niveau plus fort dans le sens du passage du local sur le global pour les cibles globales, au moins dans des conditions assez particulières concernant les distracteurs. De même, Wilkinson, Halligan, Marshall, Büchel et Dolan (2001) observent un ralentissement plus marqué pour le passage du niveau local au niveau global, mais cette différence n’atteint pas le seuil de significativité.

Un certain consensus existe par contre sur le fait que l’effet de répétition de niveau échappe au contrôle volontaire : il se distingue en cela clairement de l’effet d’indiçage. Lamb, London, Pond et Whitt (1998) ont par exemple montré que, dans une situation où les participants peuvent facilement prédire le niveau d’apparition de la cible dans chaque stimulus parce que ce niveau alterne systématiquement d’un item à l’autre, les performances sont particulièrement faibles par rapport à des épreuves où le niveau est constant, ce qui témoigne de la persistance du coût dû au changement de niveau et du faible impact de l’attention volontaire sur cette opération. Hübner (2000) confirme l’inefficacité du contrôle volontaire sur les effets de changement de niveau. Avant l’apparition du stimulus hiérarchisé, il inserre un signal sonore valide indiquant au participant le niveau auquel il doit ajuster son attention pour être performant. Une procédure de type ‘self-paced’ est utilisée et permet au participant de décider du délai nécessaire pour interpréter le signal et voir apparaître le stimulus. Malgré ces conditions favorables à une préparation attentionnelle optimale, les performances se sont avérées, ici encore, très influencées par le contexte du traitement précédent. De même, Lamb, Pond et Zahir (2000) ont montré que le bénéfice produit par l’identité de niveau des cibles dans les items n et n – 1 n’est pas affecté par un indiçage arbitraire : il échappe donc au contrôle volontaire. Dans cette dernière recherche, des précautions expérimentales supplémentaires par rapport à celles prises par Hübner (2000) augmentent la portée du résultat : les indices utilisés ne sont pas toujours valide et ils ne sont pas de la taille des cibles à venir. Pour finir, des travaux en potentiels évoqués confirment la différence entre effets d’indiçage contrôlés volontairement et effets de répétition de niveau, en décrivant l’implication de régions différentes dans l’un et l’autre cas (Yamaguchi et al., 2000). Alors que le lobule pariétal inférieur gauche est impliqué dans le maintien de l’empreinte attentionnelle à un certain niveau de traitement induit par le traitement précédent, le traitement d’un indice s’accompagne de l’activation de la région temporo-pariétale droite s’il signale l’arrivée d’une cible au niveau global et de l’activation du cortex temporal postérieur gauche s’il signale l’arrivée d’une cible locale. Non seulement les régions impliquées par l’action de ces deux sources d’orientation de l’attention ne sont pas les mêmes, mais la latéralisation des activations est déterminée par le niveau à traiter seulement en cas d’indiçage. L’ensemble de ces données suggère que les effets de changement de niveau reposent, au moins en partie, sur des mécanismes automatiques qui échappent au contrôle stratégique, contrairement aux effets d’indiçage arbitraire.