2.4.3. Processus de changement de niveau ou switch

2.4.3.1. Lien entre changement de tâche (‘task switching’) et changement de niveau

Certains auteurs ont rapproché les effets de changement de niveau d’un autre type d’effet, faisant l’objet d’une abondante littérature dans le domaine des fonctions exécutives et qui ne pourra être trop développé ici : l’effet de changement de tâche (‘task switching’). Citons simplement par exemple Rogers et Monsell (1995), qui montrent que l’alternance entre deux consignes à appliquer sur une liste de chiffres (décider si le chiffre est pair ou impair, versus juger s’il est supérieur ou inférieur à 5) amoindrit les performances par rapport à une situation où ces deux consignes sont suivies par les participants dans des blocs séparés. Les effets de changement de tâche et de changement de niveau présentent des analogies, car l’un et l’autre impliquent des composantes attentionnelles mais aussi automatiques. Lamb, Pond et Zahir (2000) estiment que le changement de niveau d’un item à l’autre est un exemple de changement de tâche, notamment parce que, dans un cas comme dans l’autre, certaines composantes liées à ce qui persiste d’un traitement antérieur échappent au contrôle volontaire du sujet (Meiran, 1996). Les deux domaines de recherche se rejoignent aussi parce qu’ils ont les mêmes difficultés à distinguer, parmi les régions cérébrales impliquées, celles dont l’activité traduit le rôle de contrôleur ou de contrôlé (pour une revue sur ce point concernant le changement de tâche, voir Monsell, 2003).

Le réseau impliqué dans le switch entre tâches est fronto-pariétal. L’activation des régions frontales et pré-frontales est toutefois variable selon les tâches, selon les sujets, et davantage impliquée dans l’inhibition (Gehring, & Knight, 2002) : il faut que le contrôle de l’allocation de ressources soit difficile, avec la nécessité de contrecarrer l’attraction de l’attention par des informations non-valides venant du stimulus (Pollman, 2001). Notons que cette condition est remplie par la plupart des expériences impliquant un switch entre niveaux dans les stimuli hiérarchisés, composés d’informations en concurrence, et quand elle ne l’est pas (i. e., les distracteurs sont toujours les mêmes au niveau non pertinent), le coût dû au changement disparaît (Shedden, & al., 2003). Dans les expériences de changement de tâche, les activations les plus stables et les plus spécifiquement liées au switch impliquent le cortex pariétal supérieur postérieur (surtout dans l’HG) (Dove, Pollman, Schubert, Wiggins, & von Cramon, 2000 ; Gurd, Weiss, Amunts, & Fink, 2003 ; Sylvester, & al., 2003).

La complexité des activations cérébrales impliquées et leur variation selon de nombreux paramètres conduisent à décrire le switch entre tâches non comme une opération unique, mais comme un processus complexe, impliquant des composantes multiples, sous-tendues par des régions cérébrale variées (Rushworth, Passingham, & Nobre, 2005). Une distinction est notamment faite entre un mécanisme contrôlant le passage de l’attention entre les tâches et un mécanisme chargé de résoudre l’interférence entre les tâches en inhibant l’attention portée à ce qui n’est plus pertinent (Rubenstein, Meyer, & Evans, 2001 ; Sylvester, & al., 2003). Nous verrons que la réflexion à propos du changement de niveau dans des stimuli hiérarchisés nous conduira à une perspective similaire.