2.4.3.3. Question de l’analogie entre ‘shift’ dans l’espace et ‘switch’ entre niveaux

Etant donné que le processus de changement de niveau semble articuler plusieurs mécanismes, il est tentant d’établir une analogie avec le processus d’orientation de l’attention dans l’espace (‘shift’ attentionnel). Cette analogie fait débat dans la littérature scientifique actuelle. Ce rapprochement a été proposé par plusieurs auteurs, notamment Rafal et Robertson (1995) sur la base d’observations neuropsychologiques, Robertson et Rafal (2000) à partir de travaux montrant l’importance du lobe pariétal gauche pour le changement de niveau et pour le déplacement de l’attention entre objets et Fink et ses collègues (1997a) en évoquant la proximité des régions cérébrales activées dans l’un et l’autre cas.

Filoteo et son équipe proposent cette analogie (Filoteo & al., 2001). Même s’il s’agit vraisemblablement de processus en partie différents, un rapprochement entre les deux leur semble possible, car les profils de perturbations de ces deux processus selon les formes de démence présentent des ressemblances. En effet, les patients atteints de DTA détectent avec grand retard les cibles présentées à un endroit différent de celui signalé par un indice préalable (paradigme d’orientation spatiale de Posner, 1980) (Parasumaran, Greenwood, Haxby, & Grady, 1992), alors que les patients avec une maladie de Parkinson se distinguent des sujets contrôles par une absence de sensibilité à l’indiçage spatial, interprétée comme un déficit du maintien de l’attention (Filoteo, Delis, Salmon, Demadura, Roman, & Shults, 1997 ; Wright, Burns, Geffen, & Geffen, 1990) et les patients atteints d’une maladie de Huntington présentent peu de déficit dans ce type d’épreuve (Sprengelmeyer, Lange, & Homberg, 1995). La configuration de ces anomalies rappelle celle décrite dans le paragraphe précédent, pour ces mêmes pathologies, dans les épreuves de changement de niveau.

Filoteo et ses collègues (2001) argumentent ce rapprochement en évoquant l’implication du lobe pariétal dans les deux processus. Il est vrai que des lésions de cette région sont souvent associées à une insensibilité à l'amorçage spatial (Farah, Wong, Monheit, & Morrow, 1989 ; Friedrich, & al., 1998 ; Posner et al., 1984, 1987) et les activations dans la partie médiane du lobe pariétal gauche sont corrélées chez les sujets sains à la quantité de changements de niveaux imposée dans l’épreuve (Fink, & al., 1997a). Toutefois, l’étude du cas d’un patient atteint d’une lésion temporo-pariétale droite et présentant un déficit pour désengager l’attention du côté ipsilatéral à la lésion pour traiter une cible dans le champ visuel controlatéral conduit Filoteo et ses collègues. (2001) à ne pas assimiler directement le mécanisme de désengagement impliqué dans ce processus et celui impliqué dans le passage d’un niveau d’analyse à l’autre. Pour ce patient, les auteurs faisaient en effet l’hypothèse d’un déficit pour passer du niveau local au niveau global, étant donnée la latéralisation droite de la lésion. Conformément à d’autres cas de lésion temporo-pariétale droite, ce patient présentait un déficit général pour traiter le niveau global, mais il était moins gêné pour passer du niveau local au niveau global que l’inverse. Les auteurs ont conclu qu’il n’y avait pas là d’argument suffisant pour un support neuronal tout à fait commun au shift entre régions de l’espace et entre niveaux d’un objet unique.