3.2.2. Complémentarité des hémisphères pour certains traitements visuo-spatiaux

Il semble que certaines fonctions visuo-spatiales soient cependant représentées de façon bilatérale. Selon Corballis (1991, cité par Funnell, & al., 1999), ce serait le cas de processus perceptifs de base dont les supports neuroanatomiques, sous les pressions de l’évolution, seraient devenus symétriques. Plutôt que de considérer l’HD comme globalement spécialisé dans le domaine visuo-spatial, les asymétries hémisphériques observées dans ce domaine reflèteraient la tendance de chaque hémisphère à traiter certains aspects spatiaux particuliers du stimulus visuel. Les contributions de chaque hémisphère permettraient alors l’excellence de la perception finale.

Deux types de traitements visuo-spatiaux ont ainsi été décrits comme reposant sur des mécanismes complémentaires, sous-tendus par des aires latéralisées de façon opposée dans les hémisphères cérébraux : les traitements global/local, sur lesquels nous reviendrons plus précisément dans la partie 3.3, et les traitements portant sur les relations spatiales catégorielles et coordonnées. Ce dernier type de traitement n’est pas l’objet de notre thèse, nous en dirons simplement quelques mots pour souligner que d’autres aspects des traitements visuo-spatiaux peuvent aussi se baser sur la coopération des hémisphères dont les compétences sont distribuées de façon opposée.

L’encodage des propriétés spatiales d’un stimulus serait sous-tendu par un ensemble de sous-systèmes de traitement réunis sous le nom de système du ‘Where’, et impliquant des aires cérébrales de la voie occipito-pariétale. Le système pariétal serait lui-même composé de deux sous-systèmes traitant deux types de relations spatiales, les unes catégorielles (localisation de l’objet qualifiable, catégorisable, par des termes tels que ‘au-dessus’, ‘au-dessous’, ‘à gauche’, ‘à droite’…), les autres coordonnées (plus précises et exprimables en termes métriques) (Koenig, Reiss, & Kosslyn, 1990 ; Kosslyn, Chabris, Marsolek, & Koenig, 1992). Selon des observations cliniques, le gyrus angulaire droit (BM 39) jouerait un rôle important dans le traitement de l’information spatiale coordonnée ; une lésion de la région analogue dans l’HG produit en revanche des difficultés à distinguer la gauche de la droite, compétence relevant des traitements catégoriels. L’asymétrie hémisphérique complémentaire pour ces deux mécanismes a été confortée par des données comportementales recueillies avec le paradigme de présentation en champ visuel divisé, en utilisant une tâche proposant d’opérer deux types de jugements sur un même matériel (un point situé au-dessous ou au-dessus d’une barre) : décider si le point est dessus ou dessous implique un traitement spatial catégoriel mieux réalisé en CVD-HG, alors que décider s’il est à plus ou moins 3 millimètre de la barre, par exemple, implique un traitement spatial coordonné pour lequel les performances sont meilleures en CVG-HD (Kosslyn, 1987 ; Kosslyn, Koenig, Barrett, Cave, Tang, & Gabrieli, 1989). De telles données ont été répliquées par Hellige et Michimata (1998), puis en IRMf (Baciu, Koenig, Vernier, Bedoin, Rubin, & Segebarth, 1999), où il a en outre été confirmé que l’implication du gyrus angulaire droit pour les traitements spatiaux coordonnées pouvait décroître au cours de l’épreuve, donc avec la pratique (Kosslyn, & al., 1989). Ce dernier point suggère, ici encore, que la manifestation de dominances hémisphériques pour certains mécanismes cognitifs est très sensible à des facteurs de haut niveau, tels que, sans doute, la réduction des ressources attentionnelles, moins nécessaire au fil de cette tâche.

Dans leur ensemble, ces résultats témoignent surtout du fait qu’une partie importante des traitements visuo-spatiaux, celle destinée à évaluer des relations spatiales, n’est pas l’exclusivité de l’HD.