3.3.1. Données témoignant d’une asymétrie hémisphérique pour les traitements global/local

3.3.1.1. Arguments neuropsychologiques

Plusieurs observations rapportent que, lorsque des patients atteints d’une lésion unilatérale gauche doivent reproduire de mémoire une lettre hiérarchisée, ils n’en dessinent que la forme globale, alors que des patients atteints d’une lésion unilatérale droite n’en restituent correctement que les détails avec un manque de cohésion de l’ensemble (Delis, Robertson, & Efron, 1986). Ces derniers auteurs montrent également que, dans des tâches de reconnaissance d’un stimulus hiérarchisé (e. g., un grand M fait de petits Z) parmi quatre alternatives, les erreurs commises par les patients atteints de lésions droites consistent le plus souvent à désigner celle qui contient la même information que la cible seulement au niveau local, alors que les erreurs des patients atteints de lésions gauches consistent surtout à désigner une lettre hiérarchisée correcte seulement au niveau global. Des expériences de discrimination de cible imposant des réponses rapides apportent des résultats tout à fait concordants. Les lésions de régions temporo-pariétales gauches s’accompagnent ainsi d’une accentuation de l’avantage du niveau global, alors que celles qui surviennent dans des régions analogues dans l’HD peuvent s’accompagner d’une inversion de cet effet classique, laissant parfois place à un avantage du niveau local, dans des tâches d’attention focalisée à un niveau comme dans des épreuves d’attention divisée (Lamb, Robertson, & Knight, 1990 ; Robertson, Lamb, & Knight, 1988). Par ailleurs, l’observation des performances de patients split-brain (plus efficaces avec la main gauche pour dessiner de mémoire la forme globale, et meilleurs avec la droite pour les détails) va aussi dans le sens de cette asymétrie hémisphérique (Delis, Kramer, & Kiefner, 1988). Enfin, à partir d’une expérience d’attention focalisée à l’un ou l’autre niveau selon le bloc, conduite auprès de 92 patients avec suppression d’une partie importante (mais unilatérale) du lobe temporal ou frontal, Doyon et Milner (1991) ont montré que les patients atteints de lésions temporales droites se caractérisent par une moindre sensibilité à l’interférence issue du niveau global. Dans leur ensemble, ces données neuropsychologiques suggèrent donc que l’HG prend davantage en charge la perception des détails, les régions analogues dans l’HD se chargeant de l’aspect global (pour une revue, voir Robertson & Lamb, 1991).

Au-delà de ces différences gauche-droite, il reste à préciser la localisation des régions cérébrales pour lesquelles cette asymétrie hémisphérique s’exprime lors de traitements global/local. Ce n’est pas le cas de toutes les aires cérébrales participant à ces traitements. Par exemple, des lésions latéralisées dans les aires pré-frontales ne produisent pas de changements différenciés pour les traitements global et local (Robertson, Lamb, & Knight, 1991). A partir des études conduites auprès de patients, un consensus se dégage tout d’abord au sujet des régions temporales, dont les lésions latéralisées se traduisent par des déficits spécifiques à l’un ou l’autre niveau. Ces études précisent que la région temporo-pariétale est particulièrement concernée par cette asymétrie. Dans une synthèse sur le sujet, Rafal et Robertson (1995) écrivent en effet que les lésions pariétales latéralisées ne produisent de tels changements que si la lésion s’étend dans la région temporo-pariétale. Nous verrons cependant que les techniques d’imagerie cérébrale révèlent que des régions sous-tendant des aspects plus précoces des traitements visuels peuvent aussi s’activer différemment dans chaque hémisphère, selon le niveau sélectionné dans un stimulus contenant des informations hiérarchisées.