3.3.1.2. Etudes en champ visuel divisé

La présentation rapide de stimuli hiérarchisés dans le champ visuel gauche ou droit donne des indications sur la dominance hémisphérique pour certains traitements, chez des sujets sans pathologie et de manière non invasive. Plusieurs études conduites selon ce principe sont parvenues à conforter l’hypothèse de spécialisations hémisphériques opposées pour les niveaux global et local.

Sergent (1982a) a notamment utilisé pour cela cette technique avec succès. Elle interprète ses données en disant que les fréquences spatiales basses (généralement majoritaires pour les formes globales) sont mieux représentées dans l’HD et les fréquences spatiales élevées (importantes pour représenter les détails) dans l’HG, ce qui expliquerait le traitement plus efficace des cibles globales en CVG-HD et celui des cibles locales en CVD-HG. Sa réflexion l’a ensuite conduite à estimer que ces effets sont ultérieurs à une étape de traitement sensible à l’information directement issue des canaux spécialisés pour les fréquences hautes ou basses (Sergent, 1987).

Toujours avec la technique de présentation en champ visuel divisé, d’autres recherches ont répliqué ces effets en utilisant, comme Sergent, le paradigme d’attention divisée entre les niveaux. C’est par exemple le cas de Versace et Tiberghien (1988) avec des stimuli de catégories variées, mais aussi de Blanca, Zalabardo, Garcia-Criado et Siles (1994) qui obtiennent les mêmes effets cette fois sur l’exactitude des réponses, à condition que les stimuli soient présentés très rapidement. L’asymétrie hémisphérique n’est observée, dans cette dernière recherche, qu’avec un temps de présentation de 50 ms (qui assure le caractère extra-fovéal de la présentation), et n’est plus significative avec des délais de 100 ou 200 ms. Hübner et ses collègues ont aussi obtenu les effets attendus selon le niveau et le champ visuel de présentation en mesurant les temps de réponse dans une épreuve avec attention divisée entre les niveaux ; ils répliquent aussi ce résultat dans une tâche de jugement de similitude (‘same-different’) entre un stimulus hiérarchisé central et un stimulus hiérarchisé apparaissant seulement 67 ms dans le champ visuel gauche ou droit (Hübner, 1997 ; Hübner, Volberg, & Studer, 2006).

Kimchi et Merhav (1991) observent eux aussi l’effet d’asymétrie hémisphérique pour les traitements global et local dans, cette fois, une expérience avec attention focalisée à un niveau spécifié à l’avance dans chaque bloc. De même, en présentant leurs stimuli au centre, à gauche ou à droite, Martinez, Moses, Frank, Buston, Wong et Stiles (1997) recueillent aussi, dans des épreuves d’attention focalisée, des réponses plus rapides dans le CVG-HD en cas de sélection globale plutôt que locale. Notons qu’il n’obtiennent pas l’effet inverse du niveau sélectionné dans le CVD-HG. Toutefois, pour la condition d’attention focalisée au niveau local, les participants sont plus rapides en CVD-HG qu’en CVG-HD, ce qui va dans le sens de l’asymétrie hémisphérique classique pour les niveaux. Ainsi, même si l’interaction entre le champ visuel et le niveau n’est parfois explicable qu’en adoptant ces deux perspectives de description différentes (mais complémentaires), l’ensemble des données de Martinez et de ses collègues est conforme à la latéralisation hémisphérique classique pour les traitements global et local.

Au final, ces données montrent que la technique de présentation en champ visuel divisé permet parfois de relever des indices d’asymétrie hémisphérique pour les traitements global/local, ceci dans des situations expérimentales variées. Une méta-analyse effectuée par Van Kleeck (1989) et combinant les résultats de plusieurs études l’illustre bien : les données de chaque expérience n’atteignent pas toujours le seuil de significativité, sans doute à cause d’une variété de problèmes méthodologiques liés à la faible qualité visuelle de stimuli présentés trop rapidement en vision périphérique (Brown & Kosslyn, 1994) ou à la longueur des listes induisant des effets de pratique ou de fatigue, mais elles vont toutes suffisamment dans le sens attendu pour témoigner, dans leur ensemble, d’une asymétrie hémisphérique liée à l’opposition global et local. Il apparaît toutefois que les expériences dans lesquelles la cible apparaît à l’un ou l’autre niveau, sans que celui-ci puisse être prédit (paradigme d’attention divisée), sont les plus efficaces pour faire ressortir cette asymétrie hémisphérique. Nous reviendrons sur ce point dans l’exposé des limites de l’observation de l’asymétrie hémisphérique pour les traitements global et local (partie 3.3.3.2.) et nous montrerons aussi que la présentation en champ visuel divisé n’est pas toujours favorable à l’observation de l’asymétrie ici étudiée.