3.3.3. Limites de l’asymétrie hémisphérique pour les traitements global/local

3.3.3.1. Irrégularité de l’observation de cette asymétrie hémisphérique

Nous avons vu que de nombreuses données montrent que des structures de l’HD présentent une spécialisation pour traiter efficacement et/ou porter l’attention sur l’aspect global d’un stimulus hiérarchisés, alors que des structures cérébrales latéralisées à gauche ont quant elles cette tendance pour les aspects locaux. Cette asymétrie hémisphérique présente cependant des limites, dont il convient de découvrir l’origine.

La première limite à signaler fait suite à un examen attentif des résultats relatés dans les expériences, considérées séparément. En effet, la complémentarité des spécialisations respectives des hémisphères cérébraux pour l’un et l’autre niveau ressort assez clairement surtout dans des méta-analyses cumulant les données de plusieurs travaux. Cependant, il est souvent difficile d’obtenir simultanément, dans une même étude, à la fois des indices de dominance d’un hémisphère pour un niveau et des indices de dominance de l’autre hémisphère pour l’autre niveau d’analyse.

Par exemple, dans l’une des premières séries d’expériences réalisées sur le sujet et utilisant des temps de réponses vocales, Martin (1979) a relevé une supériorité de l’HG pour le traitement de lettres locales, mais aucune asymétrie hémisphérique pour le traitement des lettres globales ; c’est aussi le cas de Hübner (1997), ou encore de Yovel, Yovel et Levy (2001) et de Evert et Kmen (2003).

Inversement, bien que cela soit plus rare, il est parfois difficile de montrer un plus grand investissement de l’HG spécifique au traitement du niveau local. Par exemple, dans une tâche de discrimination de cibles avec attention focalisée à un seul niveau, l’étude en IRMf conduite par Martinez et ses collègues (1997) montre que l’activation de régions occipito-temporales droites est significativement plus élevée lors du traitement global que lors du traitement local, alors que les aires occipito-temporales gauches sont activées pour l’un comme pour l’autre niveau, avec seulement une tendance à l’être plus fortement pour le niveau local.

Les difficultés à observer des configurations de résultats très claires concernant cette asymétrie hémisphérique ont certainement des origines multiples. Certaines tiennent vraisemblablement aux techniques mises en œuvre pour l’étudier et nous insisterons tout d’abord sur les difficultés à l’observer à partir de stimuli présentés unilatéralement. Nous montrerons aussi que d’autres techniques ont également parfois échoué à produire des résultats conformes à l’asymétrie supposée. Nous verrons ensuite que le choix de la tâche (avec attention focalisée à un niveau ou divisée entre les niveaux) peut favoriser le recueil de données reflétant plus ou moins clairement l’asymétrie hémisphérique pour le traitement des niveaux. Plus fondamentalement, la nécessité de proposer des stimuli introduisant une certaine ambiguïté, et assortie d’un conflit au niveau de la réponse semble déterminante. Enfin, le traitement global/local de stimuli hiérarchisés implique des processus complexes, et l’intervention de certains mécanismes attentionnels eux-même latéralisés pourrait venir masquer l’asymétrie hémisphérique plus directement liée aux spécialisations pour l’un ou l’autre niveau d’analyse. Nous allons aborder successivement ces points dans ce qui suit.